(1970. FR. : Le dernier guet-apens. ITA. : Corbari.
Un grand merci à IndianaGilles (super blogueur que je vous conseille) pour ce partage d’un film rare, introuvable en DVD fr. Vu en VF, entrecoupé de VO : une nouvelle preuve des découpes injustifiées des distributeurs d’alors…)

Italie, région de Romagne, 1943-1944. Alors que la Seconde Guerre Mondiale bat son plein, et que le pouvoir fasciste se maintient tant bien que mal en appliquant une répression féroce, Silvio Corbari (Giuliano Gemma) entre de fait dans la résistance après avoir tué des représentants du pouvoir de Mussolini, dont l’un était un ami. Jeune et exalté, il entend mener presque seul une guerre aux fascistes, ce qui en fera un héros populaire encore glorifié dans l’Italie d’aujourd’hui.
Valentino Orsini, le réalisateur de Corbari, reste relativement méconnu de nos jours. Après avoir côtoyé et travaillé avec les frères Taviani, il se lance ensuite dans la réalisation, avec comme thème de prédilection la guerre de 39-45 et la Résistance. Même si l’on retrouve dans ce long-métrage des figures du Bis italien, Corbari est bien plus qu’un simple film de genre ou « macaroni combat ».
Le récit du film évoque en effet la vie de Silvio Corbari, jeune résistant italien exécuté en 1944 à l’âge de 21 ans, et la page sombre que vécut une Italie, à l’instar de la France par exemple, en pleine guerre civile, fascistes contre résistants, propriétaires terriens contre paysans… Un sujet qui rappelle le chef d’œuvre de Bertolucci 1900, sans toutefois atteindre le même niveau de qualité.
Même si Orsini joue sur le caractère épique et symbolique du sujet, il signe ici un film à hauteur d’hommes, bien loin d’une œuvre politico-philosophique, même si elle est bien sûr assez manichéenne et chante les louanges de la Résistance. D’où un côté film d’action assumé qui le rend particulièrement efficace, la seconde moitié lorgnant presque vers le polar : un homme seul, ou presque, en fuite continuelle, faisant la nique à l’autorité, se cachant, blessé, trahi, désespéré.
A noter, parmi d’autres, la superbe scène de l’épuration du village de Tregano où Gemma assiste de loin à la scène, l’œil droit rempli de sang, le gauche suintant de larmes… L’une des premières scènes, lors de la profession de foi de Corbari, et la dernière, avec la glaçante scène des pendaisons « à la chaîne », sont également des réussites, Orsini filmant la réaction de la population, cette masse face au martyr, face à leur sentiment de révolte, une révolte qui devra obligatoirement avoir lieu comme le montre l’ultime échange de regard entre un jeune villageois et le chef des milices...La mort de Corbari le rendant en fait plus vivant que jamais....
Malgré mon intérêt pour les films de genre italiens, j’ai longtemps ignoré Gemma, sciemment, le jugeant trop propret, trop « angel face » ! Puis j’ai vu Le désert des tartares de Zurlini, et je compris que Giuliano était un sacré acteur. Il livre avec ce Corbari, peut-être sa meilleure interprétation. Malgré la différence d’âge, il incarne à merveille ce résistant particulier, finalement très individualiste (il veut mener seul la lutte, est en désaccord avec les autres groupes de résistants, il se prend même pour une sorte de Messie en instaurant notamment une sorte de république Corbarienne qui rend le pouvoir au Peuple…). Personnage exalté, jusqu’au-boutiste que même ses camarades conquis à sa cause ont bien du mal à suivre et à comprendre… Un héros plus complexe qu’il n’y paraît.
Aux côtés de Gemma, Tina Aumont (Satyricon, Metello, Torso...) livre aussi une belle performance en complice dévouée ; tout comme le méconnu Antonio Piovanelli (1900, Les cannibales, Woyzeck...) parfait en narrateur, témoin de la métamorphose de Corbari. Signalons aussi la présence de Vittorio Duse (Le parrain 3). Parmi les fascistes, Daniele Dublino (le commissaire spectateur dans La guerre des gangs de Fulci) est très bon en chef de milice, dommage que son rôle ne soit plus étoffé, tout comme ceux de Adolfo Lastretti (Confessions d'un commissaire..., L'homme aux nerfs d'acier...) en « journaliste », ou de Bill Vanders (Gli Intoccabili, Quand les colts fument...) en propriétaire terrien... Enfin, c'est toujours un plaisir de retrouver Frank Wolff en chef d'un réseau de partisans, plus vieux et plus raisonnable que Corbari pour lequel il semble avoir une certaine admiration malgré leurs désaccords.
Il convient également de signaler la fort jolie musique de Beneditto Ghiglia (Un dollar entre les dents) qui à l’image du film s’avère tantôt épique et enlevée, puis de plus en plus feutrée, tragique. Même si le thème est des plus classiques, il reste longtemps dans la mémoire. Et contribue à la qualité de ce film, qui malgré ses défauts (un montage des plus abrupts en début de film (encore des coupes ?), une image, pas restaurée, terne et grise... qui finalement colle bien à cette époque où un brouillard infini enveloppa le monde entier…) s’impose comme une vraie réussite.
Quelques titres de la B.O. : https://www.youtube.com/watch?v=xf__lsXzm0I

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le 17 janv. 2021

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SB17

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