Will Kane, tout juste marié à Amy, une jeune Quaker, s'apprête à rendre son étoile de shérif pour vivre avec son épouse. Mais il apprend le retour imminent de Frank Miller, un bandit qu'il avait autrefois fait condamner, de retour en ville par le train de midi avec la ferme intention de se venger. Will décide alors de mettre son mariage entre parenthèse le temps de régler cette affaire et reprend dans l'urgence ses fonctions de shérif. Réunir des hommes autour de lui se révèlera moins facile que prévu, tous se dérobant les uns à la suite des autres, refusant de lui venir en aide par lâcheté ou intérêt.


High Noon (c'est le titre original) signifie « plein midi » au sens propre, mais évoque au sens figuré un moment de vérité. Suite au film, l'expression a même acquis un sens nouveau, « to be high noon » désignant une personne devant faire face à une situation de crise sans savoir quel en sera le dénouement. La simplicité et l'efficacité du scénario (signé Carl Foreman, scénariste cinq ans plus tard du célèbre Le Pont de la Rivière Kwaï) fit du film de Fred Zinnemann un classique du western. L'action, assez épurée, se déroule quasiment en temps-réel, et la tension monte à mesure que l'aiguille tourne. Plusieurs éléments récurrents composent le film : le plan de la voie ferrée annonçant une menace imminente ; la déambulation du shérif qui cherche désespérément de l'aide ; et les plans sur les horloges de plus en plus serrés à mesure que le danger approche.
La qualité du casting est remarquable, avec la première apparition au cinéma de Lee Van Cleef dans un rôle mineur et muet, certes, mais terriblement prémonitoire. Il incarne un personnage mystérieux, le regard aiguisé, jouant de l'harmonica sur le quai d'une gare déserte : il porte déjà en lui les prémices du western spaghetti qui fera sa gloire quelques dizaines d'années plus tard. Le rôle du shérif Will Kane revient au mythique Gary Cooper, monument du cinéma chez Frank Capra, Ernst Lubitsch et Howard Hawks, avec une centaine de films à son actif au cours d'une carrière qui dura presque quarante ans. Ce qui surprend dans High Noon, c'est la place de choix qu'occupent les personnages féminins, habituellement dominés par une vision phallocratique de la femme dans le western classique. Grace Kelly et Katy Jurado (une actrice mexicaine qu'on retrouvera en 1973 dans Pat Garrett & Billy the Kid, de Sam Peckinpah), respectivement femme quakeresse du shérif et « commerçante » (comprendre « prostituée »), font chacune montre d'un caractère bien trempé et affrontent courageusement le machisme et l'hypocrisie des hommes du village. À noter, la filmographie assez concise de Grace Kelly : onze films en cinq ans (1), dont trois Hitchcock : Le Crime Était Presque Parfait (Dial M for Murder, 1954), Fenêtre sur Cour (Rear Window, 1954) et La Main au Collet (To Catch a Thief, 1955), aux côtés d’icônes comme Cary Grant, James Stewart et Clark Gable.


High Noon fut réalisé en 1952, c'est à dire en plein dans la période « Peur Rouge » du maccarthysme des années 1950 à 1954, du nom du sénateur américain qui se livra à une véritable chasse aux sorcières anticommuniste quasi-paranoïaque. Clairement, le film est une allégorie sur la passivité des américains et sur la lâcheté des dénonciations qui faisaient rage à l'époque, ce qui se retrouve dans la couardise des hommes du village qui refusent d'aider le shérif. Le scénariste du film, Carl Foreman, fut d'ailleurs placé sur la liste noire de Hollywood (2) peu après la sortie du film, liste où figuraient les noms de Charlie Chaplin et Orson Welles qui durent fuir les États-Unis.


(1) Avant de devenir princesse de Monaco en 1956...
(2) La liste noire de Hollywood (Hollywood blacklist), créée en 1947 par la Motion Picture Association of America (MPAA) et abolie en 1960, recensait les artistes soupçonnés de sympathie avec le parti communiste américain et à qui les studios hollywoodiens refusaient tout emploi.


Le billet sur Je m'attarde : http://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Train-Sifflera-Trois-Fois%2C-de-Fred-Zinnemann-%281952%29

Morrinson
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le 30 mai 2013

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Morrinson

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