Legend
6.2
Legend

Film de Brian Helgeland (2015)

Tom Hardy semble définitivement posséder une certaine aura et se targue de nous l'exposer à chacune de ses apparitions, je suis loin d'avoir vu tous ses films mais si une chose est sûre, c'est que le bougre a un sacré talent. Passé maître dans l'art d'insuffler l'art de la fureur grandissante bien qu'apparemment tranquille à nombre de ses personnages (de Warrior à Enfant 44 en passant par Legend), il nous offre avec ce dernier film une performance saisissante qui atteint selon moi, la hauteur de l'attente que pouvait susciter l'annonce qu'un acteur aussi bankable interprète deux personnages distincts à la fois. Cette intrigue plaisante de frères gangsters en quête de gloire est traitée de manière particulièrement originale car bien que sombre, elle contient de nombreux moments de comédie principalement causés par l'absurdité du comportement de Ronald (Ronnie Kray), souffrant de troubles mentaux visiblement profonds et harcelé par son frère pour qu'il prenne ses cachets.


Plus que ça, la réalisation se veut étrangement posée et souffre malheureusement de baisses de rythme assez sèches dues à ce choix qui semble parfois ne pas en être un. Pourtant, comment ne pas reconnaître une certaine maestria lors du second plan séquence de l'introduction au quotidien des jumeaux Kray qui, de par sa fluidité, la justesse de son cadre et par dessus tout la croissante montée d'adrénaline qu'il insuffle à travers l'évolution comportementale du personnage de Reginald (Reggie) Kray, nous expose clairement la volonté du réalisateur de prouver qu'il possède la capacité de gérer l'ambiance d'une scène marquante sinon clé de son œuvre : on voit donc Reggie (le raisonnable des deux frères) emmener une fille rencontrée pas plus tard que la veille dans un bar, repaire de ses associés et autres membres de gang qui vont de fait interrompre le moment de détente qu'il s'apprêtait à passer en bonne compagnie pour lui demander d'intervenir sur une affaire purement bizness et ainsi, l'agacer passablement. Cette scène illustre parfaitement plusieurs des principaux enjeux dont s'avisera de disposer le long-métrage, à savoir : l'occasion pour Reggie d'entretenir une relation amoureuse stable tout en tentant de développer son gang, sans parler des débordements incessants de son frère qu'il essayera de minimiser.


Interdit en salles aux moins de 12 ans, le film ne me semblait pas assez violent pour mériter ce statut, du moins jusqu'à ce que se présente l'une des scènes finales dont la violence pourrait sans problème être comparée à celle d'un Tarantino. Dans sa globalité, le film n'est pas très violent, (on est loin d'un Casino de Scorsese) tant dans sa dramaturgie que son action mais ne se prive pas de nous offrir un agréable combat de bar opposant les deux frères à plus d'une demi-douzaine de rivaux. Dynamique et assez subtilement orchestré, il illustre la complicité des Kray et leur fort tempérament face à l'adversité. Les frères Kray justement, ont beau avoir des caractères et modes de vie aux antipodes, ils se serrent toujours les coudes et ce, certainement grâce à l'éducation que leur a inculquée leur mère, définitivement très attentionnée vis-à-vis de sa famille et clairement mère poule de son fils mentalement instable. Ronnie Kray donc, à travers lequel Tom Hardy semble s'amuser à violer toute bienséance et autre bon goût, m'a particulièrement plu de par son extrême franchise et son certain sens de la répartie. Il n'est donc pas foncièrement mauvais mais ne se rend pas toujours compte de l'ampleur de ses actes jusqu'à ce que son frère le sermonne comme l'on gronde un enfant ayant fait une bêtise. Son interprétation est indéniablement excellente et intense, Hardy jonglant d'autant plus avec ces deux personnalités d'une aisance déconcertante. Malheureusement, le personnage féminin principal est quant à lui bien trop sous-exploité, sa psychologie est effleurée au détriment du spectacle simpliste de sa frustration évidente et son rôle de femme au foyer impuissante et attentiste relève du simple cliché. On s'émeut donc peu des travers qu'elle rencontre et les quelques lenteurs de narration ne résolvent pas ce défaut.


Les paysages londoniens dans lesquels évoluent nos protagonistes sont eux, dépaysants et parcourus d'une lumière revigorante mais demeurent cependant vite répétitifs et empêchent au récit une réelle fluidité progressive. La musique en revanche, s'avère plutôt plaisante, essentiellement composée de mélodies jazz aux accents Rock particulièrement jouissifs, elle renforçe efficacement la teneur des enjeux et la portée de leur drama. Il est par ailleurs dommage de constater qu'elle est parfois un peu trop envahissante et empêche de prendre le recul necéssaire à l'implication émotionnelle via identification aux Kray.


Legend est un film à l'ambiance et au ton prenants doté de personnages excellents bien qu'inégaux, dont la tendance du rythme à parfois pêcher ôte cependant une parfaite lisibilité à la justesse ou la vaillance du scénario mais au delà de ça, c'est un film aux dialogues et situations néanmoins savoureuses qui apporte indéniablement sa patte au genre difficilement renouvelable qu'est le film de gangster en alliant à son savoureux penchant pour l'autodérision, une plongée impressionnante d'intensité et de classe dans le milieu des truands distingués.

krator
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Créée

le 29 janv. 2016

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krator

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