On l’avait quitté tout bougon en 2014 quand son scénario avait fuité sur Internet.
Il avait insulté tout le monde, porté plainte contre un site internet, hurlé à la trahison. Il avait fait des interviews contenant un nombre particulièrement élevé de Fuuuuck et de Shiiiit (même pour lui).
Enfin pour finir, il avait tapé du pied, tout rouge, et menacé de ne pas offrir au monde sa divine neuvième réalisation.
Rien que ça.


Pas étonnant donc de le retrouver encore tout énervé dans ce Hateful Eight.
Hateful Eight, son huitième* (film) énervé.
Oh, rassurez-vous, Tarantino n’est pas pas énervé dans le sens « mouvements de caméra frénétiques », « montage épileptique » ou encore « narration dynamitée » (même si elle contient quelques surprises croustillantes * *).
No, The Brat knows better…
On savait déjà qu’il était libre Quentin. Qu’il ne respectait aucun code. Qu’il était capable de composer un cadre, de guider un mouvement de caméra, ou de laisser tourner un dialogue une bonne demi-heure, juste pour son seul plaisir jouissif de cinéaste. Et on lui en est redevable d’ailleurs au passage. Car cette fraicheur, cette liberté, c’est ce qui donne au spectateur, le bonheur si simple d’être encore surpris dans une salle de cinéma.
C’était déjà beaucoup parce que cela n’arrive plus si souvent que cela finalement.


Sauf que là, la forme est paradoxalement un peu plus sage, plus contenue. La mise en scène plus sobre, concentre l'attention du spectateur sur le fond. Car c'est sur le fond que le sale gosse a largué de nouvelles amarres cette fois.
Jeu de vases communicants conscient ou pas, l’avenir le dira.
En attendant, ici, plus de morale. Des persos tous plus pourris les uns que les autres. Bon courage au spectateur pour les aimer ceux là. Mais c’est pas tout. Le bougre a aussi gentiment envoyé la bien-pensance se faire mettre. Les féministes sont prié(e)s d’évacuer les lieux par les sorties latérales de part et d’autres de l’écran siouplé (aux States d’ailleurs, certain(e)s en grincent encore un peu des dents). Par contre, le film déborde de noirceur d’âme. Une belle vision de la vie, bien sale et bien désespérée (It doesn’t have to be that hard either…).
Jusqu’alors, on trouvait quand même dans les personnages de QT certaines valeurs. Une certaine grandeur d’âme. Ils pouvaient être des voyous, des tueurs, des soldats… Ils semblaient tous plus ou moins avoir un certain code d'honneur. L’absence de morale et la noirceur, le mensonge et la manipulation, c’est quand même relativement nouveau.
Tout cela donne un film très différent, plus tendu, d'autant plus que Tarantino semble enfin se contenir un peu dans ses diarrhées verbales. Comme si le huit-clos l'empêchait de trop se disperser lui-même. C'est en ce sens qu'on peut d'ailleurs faire un rapprochement avec Reservoir Dogs. Sur la tenue du film dans sa globalité. Et puis, voir Tim Roth se tordre par terre pendant un bon quart d'heure avec une balle dans le vide, ça rappelle quand même de bons souvenirs hein ?


D’ailleurs que fait-il notre bon Quentin, pendant ce temps ?
Il rigole derrière son film. L’oeil mauvais. Il se fout des conséquences de ses propos comme de sa première Hateful Super 8. Et ça se sent.
Ca se sent parce qu’il y a, comme toujours, de la jouissance dans chaque plan. Du plaisir à filmer ces gueules de sadiques en 70mm, à laisser trainer ses plans pour capter un dernier regard vicieux, à souffler sournoisement sur chaque braise frétillante de haine de ses personnages. Tarantino pourrait presque être le 9ème larron tellement on sent qu’il prend son pied. Malveillant, il laisse entrer la noirceur dans son récit autant que cette foutue porte branlante laisse entrer la lumière blanche et la neige dans le refuge.
Pour faire bref, il s’autorise toutes les saloperies. Et ça a l’air de lui plaire. La haine.
Si vous n'êtes pas convaincu, reprenez le titre, un petit bijou de justesse. Je ne vais pas m’énerver cette fois sur la traduction française car elle a été validé par le maestro en personne, mais vous avouerez: littéralement, ça fait quand même Les Huit plein de Haine si on traduit mot à mot.


Enfin neuf avec son réalisateur.



  • si on considère « *Kill Bill » comme un seul film et/ou « Grindhouse » comme une co-réalisation.
    ** Tendez bien l'oreille sur la voix Off, mais si, vous connaissez cette voix...

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le 30 déc. 2015

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juliendumas33

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