J'ai envisagé un moment, pendant la première partie du film, quand le contexte et les personnages sont posés, que le film annonçait une certaine modernité dans le cinéma américain. Une rencontre entre deux jeunes, joués par des jeunes, et qui font jeune ! Albert S. D'Agostino joue un gangster refoulé de 23 ans (il en a 24 au moment du tournage). On a l'impression de se trouver dans un film noir de Kazan avec ces costumes réalistes et sombres. Farley Granger, qui avait joué dans le magnifique film de Wyler (Les plus belles années de notre vie) est aux antipodes de l'image construite par les studios de la provinciale sensuelle (Anne Baxter dans La Ville Abandonnée et L’Etang tragique, Jeanne Crain dans Péché Mortel, Jennifer Jones dans La Furie du désir ou Duel au soleil...). Non pas qu'elle soit foncièrement moche, son charme se révèle à mesure qu'elle affirme son intégrité et son dégoût pour les malfrats (y compris le jeune homme) qui s'invitent chez elle.
La relation qui s'opère entre les deux protagonistes s'explique par un sentiment souvent représenté dans le film noir : la solitude, le fait de se sentir en dehors de leur monde respectif. Les deux sont des marginaux qui ne cherchent qu'à exister, et ils le peuvent enfin, de leur rencontre.
La scène qui montre le début de la chair entre les deux outsiders est pertinente : le conflit est encore là. Pendant tous les préliminaires, avant la concrétisations de ces "amants de la nuit", la relation oscille entre conflit, charnel, et complicité secrète.
Toute cette première partie de préliminaire est un bijou de modernité, avec une photographie qui rappelle plus le cinéma suédois que le film noir (ce ne sera plus le cas dans la suite du film)


Je ne me poncerai pas sur la suite du film, qui pour moi se permet bien trop de facilités scénaristiques et n'approfondie pas suffisamment ses personnages, seulement l'évolution de leur relation qui ne servira qu'à justifier la force dramatique recherchée de scène finale.


Ca reste un film à voir si on aime le film noir, si on veut découvrir Nicholas Ray, si on veut voir à quoi ressemblait sa Fureur de vivre quelques années plus tôt

Créée

le 10 févr. 2018

Critique lue 201 fois

Gregor  Samsa

Écrit par

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