Les robes volent au vent.
Les cigarettes fument.
La nature est libératrice.
Le sexe transpire. En silence.
La ville rayonne et enferme.
Frustration est le maître mot.


Les Amours Imaginaires est loin d’être un cas unique. Comme bien des films avant lui, il n’existe réellement, ne trouve son [identité], que par le biais des autres. Par sa mise en scène, Les Amours Imaginaires est un film qui existe déjà. Et il s’appelle In The Mood For Love.


Je m’en suis pleinement rendu compte lorsque j’ai découvert le travail de Wong Kar-Wai. Et Xavier Dolan aime Wong Kar-Wai, ça se voit. Ça se sent [si l’on peut dire]. Beaucoup trop. Et regarder un film qui n’est que le reflet du travail d’un autre, n’a pas grand-chose d’intéressant.


Or, pour une raison que j’ignore, ce film me passionne. C’est une sorte de plaisir sadomasochiste. Tout y est insupportable : les personnages [narcissiques, imbus d’eux-mêmes, tellement littéraires qu’ils se détachent complètement d’une quelconque forme de réalisme], l’histoire [cyclique, lente, insupportable] et surtout, particulièrement, la mise en scène.


Les Amours Imaginaires est un film ralenti. Littéralement. Sur 1h30 de film, presque 1/3 des plans sont au ralenti. Alors bien sûr : contemplation des corps, glorification de l’autre au point de sombrer dans le fantasme le plus total, agréable formalisme (j’aime le formalisme). Wong Kar-Wai [encore lui] incarne cette démarche mieux que personne. Mais lorsque l’envie de hurler au réalisateur d’accélérer la prise de vue devient plus forte que la puissance esthétique, c’est que la limite est atteinte. User, répéter un effet de mise en scène n’est pas un problème. Cela confère une identité au film, une ambiance. Cela transcrit une imagerie propre au réalisateur. La puissance de la scène adéquate n’en est que décuplée.


Mais Mr X. n’a pas ici de sens de la mesure. Filmer Les Amours Imaginaires au ralenti, ce n’est pas un effet de style. Ce n’est pas de la personnalité. C'est de la redondance. C’est de la paresse. C’est s’enfermer dans une esthétique dont on connait les effets et la qualité formelle, pour s’y lover. Que ce soit par complaisance ou par manque d’inventivité, le fait est que raconter une histoire en se répétant constamment l’enferme, mais surtout l'empêche d'évoluer.


Et comme le scénario en lui-même avance treeeees lentement, jusqu’à un dénouement sans aucune surprise (sérieusement, comme ça pouvait se terminer autrement ?) … Je soupire devant mon écran. Même l’originalité liée à l’approche sexuelle du film (la scène de la masturbation est osée, et assez intéressante) n’en est pas réellement une… Car la compréhension passe par la captation au cinéma. Et bien avant lui, Wong Kar-Wai aimait déjà filmer des femmes (et des hommes) au ralenti, fumant des cigarettes en mal d’amour.


La seule possibilité d'entrevoir autre chose que la copie pourrait alors être cette dimension homosexuelle de la séduction, plutôt rare dans les films d’amourettes entre jeunes adultes surtout traitée jusqu’au bout du concept, comme c’est le cas ici. Peut-être une certaine forme de réappropriation. Utiliser les autres pour mieux s'accomplir sois-même. Mais faire un film sur des amourettes homosexuelles, filmées au ralenti, n’est pas nouveau non plus. Ça s’appelle Happy Together. Et c’est aussi réalisé par Wong Kar-Wai


Mais merde alors comment fait-il ? Pourquoi les Amours Imaginaires est-il un film tellement singulier alors qu’il n’est qu’un patchwork des travaux d’un autre ? Pourquoi est-il aussi fascinant ? Pourquoi je peux le re-regarder sans m’ennuyer ? POURQUOI ?!


Peut-être parce que Xavier Dolan.

Dex-et-le-cinma
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le 20 mars 2017

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