Je ne m’étais jamais pris un caveau sur la tête. La sensation n’est pas douloureuse, mais dieu que c’est déroutant : la frappe n’est pas soudaine, la confusion opère à petit feu mais creuse inexorablement son nid. Impossible, ô grand jamais, de l’en déloger sans faire preuve de patience : votre crâne résonnera encore pour quelques temps, que vous le vouliez ou non, des échos obscurs d’un maelström révélateur, du moins s’agit-il de son objet sur le papier. Mais, comme bien souvent, l’écart entre la théorie et la pratique n’est pas des moindres : à bien des égards, le fameux caveau se muant en un radeau aux confins du naufrage narratif.


Vous l’aurez compris, cette séquence « pivot » des Crimes de Grindelwald a pour mérite de me donner des élans allégoriquement fumeux : un juste retour dans la mesure où celle-ci cristallise diablement bien les errements scénaristiques des Animaux Fantastiques, une saga naissante s’auréolant d’un sacré problème de fond. La faute en revient-elle à J. K. Rowling, que l’on imagine certainement pleine de bonne volonté mais à côté de ses pompes ? Pas seulement bien sûr, bien que l’on ne puisse que regretter que cette dernière n’ait pas su faire les choses dans le bon ordre : écrire un « vrai » bouquin puis, pourquoi pas, intervenir sur son adaptation ciné plutôt que de saisir les rênes d’un médium qu’elle ne maîtrise que trop peu.


Indubitablement, et nombre de personnes l’auront déjà énoncé, les casquettes de romancière et de scénariste sont des plus distinctes : ici, deux petites heures de pellicules boursouflées d’informations jetées pèle-mêle en rendent parfaitement compte, Rowling n’ayant en aucune façon le temps de développer correctement ses idées. La chose frise alors le gâchis pur et dur tandis que l’on mesure le potentiel incontestable du tout, car diantre : le divertissement est pourtant bien là ! Paradoxalement, Les Crimes de Grindelwald a beau exacerber les erreurs de son prédécesseur, la pilule passe malgré tout par le biais d’une atmosphère mouvante : un bon point au regard de la présence limitée (et moins gratuite) des animaux vedettes du premier long-métrage, celui-ci embrassant pleinement une noirceur de ton savoureuse, aux frontières du drame fantastique.


Exit donc l’empreinte cartoonesque et le vaudeville fade, ce cocktail désuet cédant la place à un crescendo presque grisant, les enjeux d’hier prenant des proportions aux forts accents shakespeariens ; dans le même temps , son package formel supplante aussi son aîné, pyrotechnie numérique flamboyante et photographie classieuse conférant au tout de solides arguments... comme peut en attester cette séquence d’évasion ouvrant brillamment le bal.


Dans l’ensemble, disons que Les Crimes de Grindelwald souffle de bout en bout le chaud et le froid : car par-delà un ressenti correct, celui-ci cumule les bourdes de tout ordre. Les clins d’œil appuyés à l’envie à l’univers d’Harry Potter lorgnent du côté de la démarche malhonnête, et une myriades de ressorts et autres détails ont tôt fait de faire basculer le film dans une facilité outrageante. Comme évoqué plus haut, le gros du problème se situe donc clairement dans l’écriture, la force des protagonistes paraissant déclinante à mesure que ceux-ci ne s’enlisent (et nous avec) dans un entremêlement de sous-intrigues confuses.


Trop de figures secondaires encombrent le bon déroulé d’un récit n’en demandant pas tant, celui-ci ayant déjà maille à partir avec ses petites excentricités : dans ces conditions (à posteriori), on ne s’étonne guère de se retrouver au sein de ce maudit caveau où le long-métrage nous asperge de poudre de perlimpinpin (pour rester poli) en nous susurrant à l’envie « T’inquiète, c’est magique »... sauf que non, la tactique du rebondissement à outrance n’est pas une franche réussite, bien au contraire (comme la plupart des derniers recours, faute de mieux).


Aussi, qu’il est difficile d’accueillir favorablement l’ultime conclusion apporté au cœur de son sujet, la parenté supposée (nous ne sommes plus à un retournement de situation futur près) de Credence prêtant davantage à sourire de dépit : car, au risque de se répéter, il y avait tellement mieux à faire ! Au vu de pareilles limites, il faudra faire beaucoup mieux pour que la saga n’emprunte pas une voie sans issue, où les maîtres-mots se résumeront à de savants coups de baguettes magiques.

NiERONiMO
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le 30 nov. 2018

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