La violence du rapport fraternel en milieu hostile

Après Bullhead et The Beast, le cinéma Belge nous offre une nouvelle pépite avec Les Ardennes. Il s'agit de l'adaptation de la pièce de théâtre écrite par Jeroen Perceval, qui coécrit le scénario et joue dedans. C'est aussi le premier film du réalisateur Robin Pront, dont les débuts sont prometteurs.


La violence sonore de l'introduction, nous prend aux tympans. Un homme vêtu et masqué vient d’atterrir au fin fond d'une piscine. Il s'en extirpe et prend place dans une voiture conduite par une jeune femme. On sent la tension dans son regard et la peur dans ses mots.


Ce début tonitruant, nous plonge au cœur de cette tragédie. Après quatre années en prison, Kenneth (Kevin Janssens) retrouve la liberté. Son petit frère Dave (Jeroen Perceval) l'attend, mais pendant son absence, les choses ont changé. Dave est en couple avec Sylvie (Veerle Baetens), l'ex de son frère aîné. Elle a arrêté la drogue et lui l'alcool. Ils forment un couple normal, aspirant à une vie normale, mais le retour de Kenneth va mettre à mal leurs aspirations.


Une version sombre de Confessions Intimes. La Belgique partage avec le Nord-Pas-de-Calais, le privilège de fournir avec force, cette émission débilitante où des couples en recherche d'attention, se déchirent avant de se réconcilier, pour le plaisir des spectateurs se sentant réconfortés face à la misère affective de ces gens. On retrouve les mêmes symptômes au cœur de ce drame. On a une femme qui passe d'un frère à l'autre. Une mère célibataire mécontente du retour de son aîné. L'absence de communication entre les deux frères. Une voiture au profil sportive d'où sort une musique techno/dance abrutissante. Enfin, la bière pour oublier la grisaille qui sévit chaque jour dans leur morne vie. La différence se joue sur l'atmosphère, la mise en scène et les rapports violents entrent les divers personnages.


La tension est permanente. On attend que le frère aîné explose à tout moment. C'est une bombe à retardement, nuisant à tout ceux qui l'entourent. Durant une heure, la caméra de Robin Pront va prendre le temps de nous faire découvrir leur univers, à travers des situations où se mêle l'ennui et la violence. Le face à face Kevin Janssens/Jeroen Perceval est éprouvant. Il est orchestré par Veerle Baetens, cette femme ressemblant à leur mère. Il y a un rapport Œdipien entre eux, avec ce besoin de prendre ce qui appartient à l'autre (femme et travail) pour définir qui est le dominant. Un rapport conflictuel, ne pouvant que se finir dans le sang. La spirale infernale ne semble pas être en mesure d'être contenue. Elle va être à son apogée dans la dernière demi-heure, au sein des Ardennes. Le chemin fût difficile avant de se retrouver dans ses collines enneigées. Elle va devenir rude dans un final violent et déroutant.


C'est un premier film réussi. Une oeuvre difficile à la noirceur envoûtante. Elle demande de la patience avant de donner toute sa puissance dramatique, à travers les rapports conflictuelles des différentes personnages. Le cinéma belge frappe à nouveau fort.

easy2fly
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le 14 avr. 2016

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Laurent Doe

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