Tintin et Milou dans une synagogue
Louis De Funès et ses pitreries qui ne me faisaient jamais rire. Mais parfois la mayonnaise a pris, à de rares occasions. Rabbi Jacob fait partie de ses exceptions. Quand je regarde à nouveau ce film, j’ai l’impression qu’il est largement sous contrôle, le De Funès, ce qui est un exploit du réalisateur qui arrive à canaliser cette pile atomique, toujours prête à exploser. Gérard Oury ne lui laisse pas toute la place, et c’est tant mieux, et l’histoire à défaut d’être extraordinaire, est originale, et sa simplicité même est gage de qualité. Ça permet de créer nombres de situations, entre burlesque et quiproquos, comique de situation et situations absurdes. L’histoire prime du début à la fin, et le comique sert de ressort qui fait avancer où reculer la narration, c’est au choix. Ce chef d’entreprise vieux jeu, catholique pratiquant et raciste, qui doit faire équipe avec un arabe révolutionnaire, tous deux déguisés en rabbins car poursuivis par des tueurs, on pourrait en tirer un vrai drame ; et si tous les conflits israélo-palestiniens pouvaient se régler comme dans le film par une poignée de main, mais sans embrassades, (faut pas rêver), ça nous changerait des actualités. De Funès est excellent dans ce rôle de petit nerveux excessif, et son acolyte qui ne sourit jamais, on se demande comment il fait pour garder son sérieux, l’autre. On dirait Tintin et Milou, ils ne sont rien l’un sans l’autre, toujours à se tirer dans les pattes mais inséparables. Mine de rien c’est politiquement et religieusement très incorrect et impossible à refaire aujourd’hui, ça risque de créer des tensions nerveuses chez les producteurs, et les médias risquent de boycotter. On nous montre une époque où on cite Mao et Ché Guevara dans le texte, on montre des juifs qui protègent un arabo-musulman, on parle d’idéal, de tolérance et de révolution. On a un film instructif sous des dehors comiques. On comprend par exemple, que quand on pénètre dans une synagogue, il est conseillé de garder son couvre-chef, ou de ne pas faire de signe de croix, pas comme Pivert qui commet gaffe sur gaffe, c’est un peu le judaïsme pour les nuls, avec un grand éclat de rire nerveux ce film. C’est fait à une époque bénie des dieux où on savait ne pas se prendre au sérieux, en traitant avec légèreté un sujet qui demande le plus grand des sérieux.