Voilà, c'est fait, le crime est consommé, je reviens du Tintin de Spielberg, et j'écris quelques mots en vitesse avant d'avoir complètement oublié ce gros machin inepte qui se liquéfie à toute vitesse dans ma mémoire particulièrement sélective.

Pourtant, honnêtement, ça commençait bien. Le générique est sympatoche, les débuts au vieux marché sont presque agréables, on entre doucement dans le monde de Tintin, bon, d'accord, c'est assez moche, c'est tout froid, mais de toutes façons, il n'y a pas de bonnes façons de rendre au cinéma le génie du maître de la ligne claire, alors...

Après, ça part assez vite en quenouille, mais en accélérant de plus en plus. Je me souviens d'un épisode sur le Karaboudjan un peu hystérique, avec un passage surréaliste dans la cabine des matelots, avec petite touche de glauque, blagues zoophiles et autres joyeusetés de mauvais aloi... Jetons un voile pudique sur le tristement célèbre épisode du rot dans le moteur et fonçons sur le gros morceau : la poursuite à Bagharr, probablement la plus laide et la plus ridicule poursuite que j'ai pu voir jusqu'ici... Nul doute qu'elle ravira nombre de dégénérés sans goût esthétique, élevés aux jeux vidéo et que je conchie d'ailleurs gentiment au passage, mais nous sommes au cinéma, le n'importe quoi, ça passe deux minutes, pas vingt avec explosions en tous genres, Tintin accroché à un bout de parchemin séculaire pris dans les serres d'un rapace et traversant la ville en volant presque, le tout en side-car et poursuivi par un tank sorti d'on ne sait où...
En même temps, ils avaient déjà gâché la bataille navale en faisant s'envoler un des bateaux un peu plus tôt, ce dernier restant suspendu dix bonnes minutes à l'horizontale, vingt mètres au-dessus des flots...

Je vous épargne le combat de grues, l'illogisme forcené du scénario et les bêtises habituelles, mais quand même, entre massacre en règle et blasphèmes à tout va, le film fait mal à l'intelligence du spectateur lambda ainsi qu'au rectum du tintinophile qui se respecte.

Tintin, c'est certes de l'aventure, c'est aussi un dessin somptueux, et enfin, ce sont des gags magnifiques et un humour savoureux. Ici, l'aventure n'est là que pour nous rappeler qu'Indiana Jones sans Harrison Ford ne serait qu'une sombre merde, et la fâcheuse habitude de ne pas savoir prendre son temps devient ici criminelle. L'esthétique est assez laide, bon, mais c'était prévu, Haddock passe encore, mais bon, j'avoue ne pas avoir accroché à Tintin et Milou, encore moins aux Dupondt... Quant à l'humour, oubliez, il n'y a rien à voir, deux ou trois gags pathétiques à la Pixar, c'est à peut près tout, rien de susceptible de déclencher le moindre petit sourire en tout cas...

J'ai trouvé que l'alcoolisme du capitaine Haddock était quand même passé à la moulinette bien-pensante et moraliste, avec explication atavique à deux balles, triomphe de la volonté et diabolisation du saint breuvage. D'ailleurs, j'ai du m'enfiler une bière sur le chemin pour oublier, et maintenant, je déguste un délicieux Cognac que Shammo avait apporté la dernière fois, et franchement, j'en avais besoin.

Alors, je pourrais mettre 4, parce que j'ai vu le film en 2D, dans la meilleure salle de Paris qui était presque vide pour l'occasion. Je pourrais mettre 4 pour l'éloigner un peu de la note mise aux Schtroumpfs de sinistre mémoire. Je pourrais mettre 4 parce qu'un inculte débile et illettré pourrait voir le film indépendamment de l'oeuvre originale.

Mais en fait, non.

Le sacrilège, ça se paie.
Torpenn
3
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le 7 nov. 2011

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Torpenn

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