Au cœur du Bayou, au sud de la Louisiane, vit la jeune Hushpuppy avec son père malade et toute une petite communauté d’irréductibles séparés du monde par un barrage qui les noie un peu plus chaque jour, d’autant plus quand un terrible orage vient dévaster leurs abris de fortune. Les aurochs ont été libérés, vient le temps des responsabilités pour la jeune fille.

Entre métaphores poétiques et regard cruel et sombre sur le monde qui nous entoure, Benh Zeitlin vient de signer un premier film brillant même s’il reste imparfait. « Les Bêtes du Sud sauvage » fait paradoxalement côtoyer l’onirisme échappatoire et la réalité d’une existence complexe au cœur de la nature. En cela, les deux points de vue du film – celui de Hushpuppy qui vit dans les mythes et légendes et celui de son père qui tente d’éduquer sa fille à la dure (cette scène pour manger un crabe !) – sont assez bien représentés et équilibrés.

Le film réussit donc globalement sa partie fantastique avec de jolies envolées lyriques appuyées par un discours en voix off à la Terrence Malick, une sublime bande-originale signée par le réalisateur lui-même (prolongez d'ailleurs l'expérience du film en l'écoutant intégralement) et des plans déjà rentrés dans l’histoire du cinéma (les aurochs, les feux d’artifice, la scène dans la cuisine où la mère disparue prépare un alligator). S’il peut parfois abuser du joli minois de Quvenzhané Wallis pour conquérir le spectateur, Benh Zeitlin impressionne dans la maîtrise visuelle pour son premier film.

Dans la partie plus terre-à-terre et réaliste, le film échoue dans sa première partie par des personnages trop figés dans leurs caractéristiques initiales. Appels désespérés à sa mère pour la petite, séances d’apprentissage de débrouillardise pour le père avec sa fille, les situations se répètent à l’infini. C’est paradoxalement à partir du moment où la communauté quittent le Bayou (alors que c’est le cœur du film et tout son enjeu) que le récit prend une allure plus intéressante. Le final grandiose, rencontre de la légende et de la réalité, emporte le spectateur dans une émotion rare et sincère.

De façon mélancolique, Benh Zeitlin boucle son histoire avec réussite. Les imperfections sont là, avec parfois quelques lenteurs pour un film qui ne dure pas si longtemps que cela, mais entre fable écologique, conte sur l’enfance et réflexion sociale sur notre monde contemporain, le réalisateur américain vient de frapper un grand coup. La suite s’annonce prometteuse. Et si nous tenions là un nouveau Terrence Malick à peine moins mystique et contemplatif ?
potaille
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le 20 janv. 2013

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potaille

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