Dieu, le burlesque et deux frères.
Je touche à un sujet sensible : le film d’enfance. Aborder une telle madeleine de Proust risque de biaiser la critique. Et pourtant, je l’ai revu récemment et je ne l’ai pas appréhendé de la même façon. Certes, le connaissant par cœur j’avais mes horizons d’attentes bien enfoncés dans les accoudoirs de mon fauteuil. Et pourtant, ce film m’a surpris… Une chose m’est apparue soudain : la place de l’hyperbole, l’absence de soucis de toute vraisemblance.
Je me souvenais de la voiture qui saute au-dessus du pont levé sur le fleuve. Je me souvenais du lance-flammes et des bombes. Je me souvenais de ces folles courses-poursuites, mais j’avais oublié à quel point elles étaient anthologiques… à quel point elles ne seraient sans doute jamais égalées (notamment la dernière). J’avais oublié quelques cascades de voitures improbables, impossibles, qui m’ont réjoui à tel point que soudain je me sentais redevenir enfant, redécouvrir le film pour la première fois, émerveillé par la fantaisie et la force d’imagination et de création de ce film. Rien n’est réaliste et pourtant tout est calculé. Aucun élément ne sert à rien ou ne perd son utilité au fil de l’histoire, comme cela arrive dans les mauvais scénarios mal ficelés ou les réalisations qui oublient leur décor ! Ici tout est acteur, comme au temps du burlesque. Voilà, je tiens le mot : burlesque ! Ces chapeaux noirs, ces vestes noires, comment ne pas penser à la complicité de Laurel et Hardy, à l’impassibilité de Keaton, aux spectacles des Marx Brothers, à la poésie de Chaplin, et même à l’esthétique folle de Tati et ses voitures sans cesse ironisées. Bref, on ressent à l’écran que c’est une bande d’amis qui s’est fait plaisir.
En plus des musiques et chansons qui rendent heureux, il y a une histoire. Une mission que rien ne semble pouvoir perturber. C’est ce qui fait l’hyperbole de ce film. Deux frangins imperturbables… d’où les courses poursuites magiques. D’où les armes de plus en plus grosses de l’ex de Jake. D’où la joie finale en prison. (Spoil, mais cela ne gâche rien, c’était couru d’avance). Et cette phrase qui revient comme un refrain : « They are not gonna cath us, we are on mission from God. ». Tout est de trop, mais de trop rien n’est : l’équilibre règne malgré tout.
Entre James Brown, Ray Charles, Aretha Franklin, Cab Calloway, et la bande de musiciens, les deux compères du Saturday Night Club, c’est le film d’une génération, aujourd’hui éteinte. Physiquement bien sûr. Car leurs mélodies restent dans nos têtes, dans nos cœurs, gravés à jamais dans le creux des 45 tours. Bref, une bonne madeleine de Proust ! Un plaisir coupable déculpabilisé…