Avec "Wall-E", "Les Boxtrolls" est sûrement l'un des films d'animation les plus aboutis, aussi bien par son aspect graphique que par sa visée critique.
L'histoire raconte l'impitoyable acharnement d'un homme, mû par l'ambition, dans l'éradication de créatures rendues effrayantes par d'infâmes légendes urbaines. Ces bêtes nocturnes, les Boxtrolls, vivent dans les sous-sols, et récoltent, la nuit tombée, toutes sortes de déchets, qu'ils récupèrent et réutilisent. Persécutés par l'exterminateur, toujours plus obscur et redoutable, les monstres et l'enfant qu'ils ont adopté devront faire face au vrai monstre. Réflexion très intéressante sur la monstruosité, l'humanité, qui n'est pas toujours où l'on croit, le film se meut peu à peu en intense parabole de la cruauté humaine. Le récit du tortionnaire, livrant au peuple crédule des récits fondés sur des peurs et des stéréotypes, fait penser sans effort aux années sombres qui ont engendré les génocides. Et de l'autre côté de ces commandements? La bourgeoisie, dans sa tour d'ivoire, affublée de chapeaux blancs, symboles de l'élite, affairée dans sa dégustation de fromages d'exception, n'ayant cure des persécutés comme du persécuteur, lequel exécute les basses besognes sans sourciller. Toute une réflexion sur l'injustice sociale, les persécutions arbitraires, la lutte des classes (symbolisée par cette bourgeoisie burlesque), l'esclavage, cet effrayant portrait de l'humaine condition est aussi un plaidoyer pour la tolérance. Une sorte de manifeste que la fable rend, par son caractère ontologiquement divertissant, accessible à tous, et donc assurément efficace.
La qualité graphique (d'une très grande netteté, et épuré des artifices de la 3D) et le travail titanesque que le film a mobilisés (décors et figurines réels: en pâte) rendent l'apologue sincère et les personnages réellement attachants. Malgré sa noirceur et sa violence psychologique (des références explicites à la barbarie nazie), le film sait émouvoir le spectateur sensible, épater l'esthète, ravir le militant, et charmer les enfants. On en ressort grandi, quel que soit notre âge.