Lors de sa sortie en novembre 2018, le film réalisé par Andréa Bescond et Eric Métayer (oui Bob Razowski) n'avait attiré que 371 505 entrées. Le film fut bien mieux accueilli lors de sa première diffusion sur la tnt il y a quelques semaines, dépassant les 3,6 millions de téléspectateurs. Il faut dire que le sujet du film s'avère particulièrement dur, d'autant plus qu'il se base sur le cas de la réalisatrice.


Bescond avait déjà couché son histoire dans une pièce de théâtre (2014). Soit une femme abusée sexuellement lorsqu'elle était enfant par un proche de sa famille et essayant tant bien que mal de vivre sa vie malgré le traumatisme. La réalisatrice s'incarne elle-même à l'écran sous un autre prénom (Odette) et raconte son parcours à travers une psychanalyse, où se joint Carole Franck. Bescond et Franck apparaissent donc lors des scènes de flashbacks ou plutôt dans le décor même, permettant ainsi une meilleure transition entre faits racontés et présent. Une preuve que Bescond et Métayer ont su aborder leur sujet de manière cinématographique et permettent quelques bonnes trouvailles comme un fantasme avec Rudolf Noureev.


Les réalisateurs parviennent à faire ressentir tout le dégoût que peuvent susciter les faits, avec l'impression pour le spectateur d'être pris dans la spirale infernale. Un véritable sentiment de malaise se développe, au point qu'il faudra parfois être bien accroché. D'autant plus que le film montre les choses longuement sans être trash, le peu montré étant suffisamment important pour susciter la crainte et l'horreur. Il suffit même de l'évocation d'une serviette sale pour s'imaginer l'horreur.


Cette dernière se dévoile également par les réactions des parents face aux faits. Il y a le déni, le jugement sur soi-même, la colère et certaines réactions comme "tu vas gâché la vie du monsieur et de sa famille" ou "que vas t-on pensé de nous dans le coin ?". Des phrases qui pourraient paraître futiles si elles n'étaient pas dites avec violence par la mère incarnée par Karin Viard. En comparaison, le père joué par Clovis Cornillac apparaît comme quelqu'un de brisé, s'étant trompé sur ce qu'il pensait être un ami, s'en voulant de n'avoir rien vu. C'est d'ailleurs lui qui a une des répliques les plus fracassantes du film : "ça ressemble à quoi un pédophile ? Ça marche comment ? Ça s'habille comment un pédophile ? (...) Ça peut être n'importe qui !". Là où Viard trouve un de ses rôles les plus ambigus (les réactions de son personnage notamment), Cornillac trouve un de ses meilleurs rôles ou en tous cas un de ses plus touchants.


Les chatouilles est également un film sur la reconstruction et l'après. Par la psychanalyse, mais également les relations avec les gens qu'ils soient des parents, des amis ou des relations intimes. Un chemin qui peut prendre des mois, voire des années, la libération pour l'héroïne étant d'avouer ce qu'elle a subi et de porter plainte. La vie ne sera peut-être pas meilleure, mais un poids sera retiré et un pas en avant fait.


Les chatouilles véhicule donc un message d'espoir dans un contexte aussi complexe que sinistre. Outre Bescond, soulignons également la prestation exemplaire de la petite Cyrille Mairesse, ainsi que celle plus glaçante de Pierre Deladonchamps.

Borat8
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le 6 juin 2021

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