Premiers pas dans une salle de cinéma depuis mars dernier : on en avait oublié le prix des places à 15€, mais on achète aussi par là la bonne conscience de soutenir, avec mansuétude, une industrie en détresse. On se demande toutefois, à la vue des bandes-annonces de début de séance, si la cause n'est pas déjà perdue, avec l'écran L'Enfant rêvé ou encore ADN, drames familiaux au ton grave, produits avec le soutien du CNC, dont le cinéma français a (et croit devoir conserver) le secret, et dont on semble voir exhibés tous les contours, en 2 minutes déjà pesantes - et on pense alors très fort à Eric Neuhoff - au point d’être emballés par la bande-annonce de Poly et son innocence manifeste : des enfants qui sauvent un poney, au nez à la barbe de méchants adultes ; dans un décor provençal lumineux qui rend déjà nostalgique, au moment la grisaille automnale reprend ses droits à Paris. On est surpris, par ailleurs, de voir que les scènes de vie projetées se font sans respect des gestes barrières : les gens ne portent pas de masque, se font la bise ! - on s'indigne d'abord, et puis on se rappelle qu’un autre monde existait avant.

Bref, notre film débute : l’oreille tique lors des premiers dialogues, parlés dans une langue écrite, et qui sonnent d’abord faux - surtout quand Niels Schneider donne la réplique. Mais certains acteurs relèvent le défi avec naturel : Camélia Jordana, Jenna Thiam, Louis-Do de Lencquesaing, avec ses airs de Maurice Pialat, et bien sûr Vincent Macaigne, toujours au poil dans le rôle du gentil bonhomme maladroit. Alors on s’y fait, et ce ton soutenu, ces débats quasi philosophiques, rappellent aux plaisirs d’un bon Rohmer, le tout dans cadre reposant, baigné d’une lumière douce et nuancée, des vêtements clairs et élégants - qui extraient le film des tendances réalistes de l'époque, et lui donne une dimension atemporelle et rafraîchissante. Malheureusement l'affaire traîne en longueur - les films de Rohmer, eux, ne dure qu'1h40, et paraissent déjà long parfois - la faute à une surenchère d’histoires croisées qui perdent en saveur (quid de cette séquence sur le personnage de Jean-Baptiste Anoumon, dont on prend le temps de dessiner les contours et les malaises, sans aller plus loin ?) - et qui se solde par


les étreintes haletantes de Maxime et d'une Daphnée dont la grossesse, annoncée d’emblée, servait - pensait-on - de rempart à cette


issue évidente, qui semble n’avoir d’autre intérêt que d’appuyer la thèse exprimée dans le titre du film : le contraste permanent entre les choses qu’on dit, et les choses qu’on fait. On passe tout de même un bon moment, et l’envie d’écrire ces petites lignes une semaine après témoigne que tout cela ne m’a pas laissé insensible - 15€ bien dépensés, en somme.


Pbcn
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 10 oct. 2020

Critique lue 159 fois

4 j'aime

2 commentaires

Pbcn

Écrit par

Critique lue 159 fois

4
2

D'autres avis sur Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait

Du même critique

The Lobster
Pbcn
2

Un sommet de prétention

Malgré quelques belles images et un parti pris d'originalité, The Lobster est un insoutenable enchainement de scènes toujours plus froides et sordides. L'atmosphère maussade du film devient très...

Par

le 16 mai 2016

3 j'aime

3

Petit voyage dans le monde des quanta
Pbcn
7

Voyage dans l'infiniment petit

Un (trop) court voyage qui expose avec brio les enjeux et controverses du monde de la physique quantique. Il ne s'agit certainement pas du discours le plus limpide d'Etienne Klein - impossible,...

Par

le 16 mai 2016

2 j'aime