Le film est une longue mise en jambes, un peu verbeuse par moment qui commence même par inquiéter : tiendrons-nous ainsi pendant 120 minutes ? Puis peu à peu nous tombons sous son charme et les aficionados finissent sans doute même par être subjugués. Tant mieux, tout le monde y trouve son compte.
Une bonne rasade d'amour, un doigt de désir, un soupçon de désamour, un zeste de rupture, une ou deux rondelles de sublimation non traitée ou bio si vous avez, mettez tout cela dans un shaker, secouez énergiquement pendant une bonne heure servez sur un paillis de glace pilée, n'en abusez pas, c'est léger mais un peu indigeste et monte vite à la tête.
Au début des années 70, au siècle dernier, l'heure était à l'expérimentation du cœur et des corps avec parfois quelques confusions entre les deux. Le fond de l'air était chaud et tout ce qui ressemblait de près ou de loin à la jalousie, ultime manifestation d'un sens trop aigu de la propriété était proscrit. C'était l'intermède triomphant des anarcho-désirants avant que la raison ne reprenne le dessus. La réalité était le désir et nos désirs étaient désormais la seule réalité acceptable. Et c'était bon. Bon pour l'apprentissage de l'autre et la connaissance de soi-même. Bon également pour apprendre à faire la part des choses.
La jalousie. justement. Est-il bien raisonnable de la passer en pertes et profits ? Est-il réaliste de parler de l'amour, du désir, sans l'évoquer ? Vous et moi, nous savons bien que cette pulsion archaïque a été notre compagne depuis notre plus tendre enfance, alors nous ne savions même pas encore la désigner et lui donner un nom. Aimer sans craindre de perdre n'est-ce pas réduire l'amour au seul désir ? Mais désirer sans craindre de voir ...l'objet de notre désir se soustraire, n'est-ce pas réduire ce désir à une espèce de libertinage infini ?
Ne vous y trompez pas, je ne persifle pas et ne regrette rien. Nous avons appris à vivre, à faire la part des choses, nos désirs n'étaient peut-être pas devenus la réalité mais il y a de beaux restes, même si, à y regarder de près...Fasse le ciel que le film aide ceux et celles qui entrent dans la vie amoureuse, à suivre une autre voie que de commencer à économiser pour le landau à seize ans et à envisager de bâtir à vingt ans en oubliant de vivre.
Ce que le film m'inspire n'est pas explicitement dans le film mais naît du film donc peut être considéré comme en faisant partie de ce que Emmanuel Mouret a voulu suggérer ou a suggéré sans le vouloir. L'amour est une véritable marotte chez lui et cela tombe bien ; les uns et les autres, les unes et les autres nous avons la même. Emmanuel Mouret n'a pas son pareil pour filmer ce qui nous rassemble de plus fort et parfois nous éloigne tout autant.