Arnaud c’est le brave petit gars: pas vraiment idiot mais pas non plus une flèche, il vivote dans l’ombre de son frère. On a du mal à imprimer son prénom au début alors qu’on voit clairement son nom plusieurs fois, comme pour rappeler qu’il est avant tout le fils de son père voué à reprendre l’entreprise familiale.
C’est peut-être un ouvrier correct, sans doute un pote fidèle, un fils et frère attentif, mais c’est surtout quelqu’un de lisse.


Alors forcément quand il se trouve face à Madeleine, le contraste est flagrant.
Madeleine a hérité d’un prénom désuet et on pourrait croire qu’il a contribué à renforcer son caractère. L’esprit de contradiction habite cette jeune fille de bonne famille.
Elle est aux antipodes du gâteau dont elle partage l'appellation: elle est rugueuse, braque, froide, nerveuse.
Loin aussi de l’expression qui voudrait la ramener à son rôle de femme sensible en en faisant une pleureuse. Si tout le monde pleurait comme cette Madeleine-là, alors les vendeurs de mouchoirs pourraient aller se rhabiller.


On pourrait croire que depuis toujours la jeune fille s’est battue contre son prénom comme elle se bat contre tout.
Le paradoxe, c’est qu’on est loin a priori de la fille qui a souffert dans la vie.
Le peu qu’on apprendra d’elle, c’est qu’elle a abandonné ses études d’économie quand elle a compris qu’on allait dans le mur.


La rage l’anime, la survie est son objectif.
Cette révolte de tous les instants subjugue Arnaud: lui qui n’ambitionne rien d’autre qu’une vie sans accrocs, voilà qu’il tombe sur un roc de détermination.


La confrontation des deux caractères et la fascination dévote d’Arnaud pour Madeleine rendent la première partie du film très plaisante.
On est impatient de voir évoluer les mentalités de chacun, de les confronter à la réalité, et dans un premier temps la plongée dans le quotidien de l’armée nous convainc qu’on va vers une belle évolution.
Voir Arnaud se révéler et Madeleine flancher, renverser la vapeur, c’est ce qu’on sent et on attend qu’ils sortent de leurs bases pour grandir..


Malheureusement la fin ne tient pas ses promesses et laisse le spectateur déçu et perdu face à un film qui soudain semble retrouver des rails plus classiques et convenus.


N’empêche que l’histoire était bonne, surtout grâce au personnage de Madeleine, porté par une Adèle Haenel décidément très inspirée. Son vis à vis est très bon également, mais le rôle nécessitant d’être plus effacé, on retient plus facilement la prestation lumineuse qui lui fait de l’ombre.


Ce personnage de femme forte est pétri d’incohérences qui n’enlèvent pourtant rien à son charme. Elle veut survivre coûte que coûte alors qu’elle ne supporte pas de vivre sans but.
Elle pense sa vie comme une lutte permanente, envers et contre tout, quitte à devenir pathétique dans son entêtement, elle refuse qu’on fasse attention à elle et pourtant son comportement crie l’inverse.


Un personnage énigmatique qui marque le film et permet d'en faire le portrait d’une jeunesse révoltée qui fonce tête baissée en oubliant de se fixer un réel but.

iori
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le 26 sept. 2017

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