Il est rare d'être à ce point désarçonné et à aucun moment n'être submergé par la nausée. Les Derniers jours du monde ont l'étrange qualité, à la fois fascinante et dérangeante, de mettre le corps des rationalités à nu. Plus qu'une simple déconvenue face à la singularité excentrique des plasticités les plus incongrues, les frères Larrieu parviennent à faire tomber avec une facilité déconcertante les barrières de la pratique cartésienne, leur oeuvre atteignant une indépendance indéniable en écartant les clivages génériques pour devenir une anomalie filmique incroyablement pénétrante.
Le prévisible devient un totem à la fois tabou et onirique, à l'image de cette aventure aussi tragique que romantique qui amène Mathieu Amalric à jongler entre passé et présent pour cesser de fantasmer les raisons passionnelles ayant plongé sa vie dans les abysses les plus tourmentées, alors que le monde autour de lui s'écroule et lentement se dissout. A la recherche de réponses, il se meut à contresens dans une quête improbable tandis qu'ami et amantes rappellent chacun à leur manière que tout ici n'est qu'absurde. Une conception théorique qu'un Nietzsche n'aurait pas ignoré en rédigeant son fameux Gai Savoir. Preuve en est que si l'on est emporté par la portée métaphysique du récit plutôt que son caractère romanesque, on ne peut nier qu'être dans cet autre monde n'est pas l'unique raison qui nous pousse à méditer des heures durant sur l'expérience immensément opaque que nous venons de vivre.