SensCritique, parfois, tu m'étonnes.


Tu m'étonnes parce qu'à l'heure où j'écris ces lignes, tu octroies la note de 6,4 à X-Men : Apocalypse. Alors certes, 6,4 sur plus de 2600 notes en l'espace de six jours, ce n'est guère représentatif de la note que tu lui octroieras d'ici quelques mois une fois que tous les aficionados seront passés par là en surnotant ce genre de films comme ils le font toujours. Il n'y a qu'à voir la moyenne actuelle de Batman v Superman : L'Aube de la Justice, passée aujourd'hui sous la barre des 6, ou encore celle de Captain America : Civil War, actuellement noté 6,6 alors qu'il culminait à 7,4 de moyenne après une semaine d'exploitation. Mais le fait de partir à près de 6,5 de moyenne au bout d'une semaine me donne à penser que cet opus d'X-Men ne descendra jamais sous la barre des 5 sur ce site. Du coup, je m'interroge : comment peut-on mettre la moyenne à une telle immondice cinématographique tant elle conjugue un nombre impressionnant de tares aussi visibles que le nez rouge d'un clown au milieu de sa bouille blanche ? Pourtant, une recherche rapide sur Google permet de constater qu'il n'y a tout au plus qu'1,7 million de déficients visuels dans le plat pays qui est le nôtre. 1,7 million sur 66,6 millions d'habitants, soit 2,553% de la population française à 0,001 près. Autant dire que c'est peu ! Je peux donc comprendre et même excuser ceux qui n'ont pas de Stevie Wonder la voix mais uniquement la vue (encore que l'on pourrait en trouver qui ont les deux, mais pour autant que je sache Gilbert Montagné ne va pas souvent au cinéma - je le sais d'autant mieux qu'il est un voisin). Mais les autres ? Comment diable peut-on penser que ce film mérite notre clémence, surtout lorsque l'on songe aux épisodes récents depuis le simili-reboot opéré par X-Men : Le Commencement ? Est-ce vraiment là tout ce que tu attends du blockbuster hollywoodien d'aujourd'hui ? N'es-tu pas un poil plus exigeant que cela ? C'est pourtant ce que je dois croire de toi lorsque tu te permets de donner une telle moyenne à un tel film. Peut-être me taxeras-tu de vieux con en me disant que c'est ainsi que le cinéma mainstream fonctionne de nos jours, mais permets-moi de te rappeler que j'ai une bonne mémoire et que j'ai vécu un temps pas si lointain où le film de divertissement à gros budget donnait parfois -et même souvent- naissance à des perles tel que Jurassic Park ou encore Terminator 2 : le Jugement Dernier.


Attention SensCritique, car je te vois venir. Tu vas certainement me répondre au regard de ma critique assassine sur Batman v Superman : L'Aube de la Justice que je n'aime pas les films de super-héros, que je m'acharne sur un genre pour des raisons que tu me prêteras sans doute à tort. Peut-être même iras-tu jusqu'à me taxer de pro-DC Comics ou d'anti-Marvel puisque tu sembles toi-même apprécier nourrir cette gueguerre d'une rare stupidité. Néanmoins je t'arrête tout de suite et t'enjoins a revoir mes notes sur les films dudit genre : 10 aux deux Batman de Tim Burton, au Superman de Richard Donner et à The Dark Knight ; 9 à Spider-Man 2 ; 8 à Spider-Man, The Dark Knight Rises, X-Men 2, X-Men : Le Commencement, Watchmen : Les Gardiens, et même à Captain America : Civil War. Donc non, ce n'est pas une question de genre, ni de génération, ni de préférence pour un studio, une franchise ou que sais-je. C'est avant tout une question d'ouvrir bien grand ses yeux et de constater certaines choses que je ne devrais même pas avoir besoin d'écrire tant elles paraissent évidentes et qui pourtant n'ont pas suffit à ce que tu sanctionnes ce film :



  • Pour un film au budget pharaonique de 234 millions de dollars, comment peut-on sortir un film d'une laideur aussi effroyable ? Passe encore la surabondance d'effets spéciaux, tu sais pour ma part que je n'adhère pas à cette mode hollywoodienne actuelle et que j'ai toujours préféré la démarche d'un cinéaste qui s'en sert pour souligner un propos plutôt qu'un cinéaste qui n'use que de cela, tantôt par facilité, tantôt par manque d'idées. Mais dans le cas où le film se repose uniquement sur eux, encore faut-il qu'ils soient bien faits ! Or, j'ai rarement vu des fonds verts aussi visibles, des incrustations numériques aussi désastreuses, un travail de finition aussi abject. Je l'aurai excusé de la part d'un étudiant de première année, mais là, on parle d'une grosse production. Je n'ai dès lors pas peur de dire qu'à ce niveau le rendu final est une véritable honte.

  • On pourrait assassiner sur place Michele Laliberte pour avoir été responsable d'une direction artistique aussi calamiteuse. Et je ne parle pas uniquement du look infâme d'Apocalypse, sujet qui de toute façon ne faisait déjà plus débat dès les premières bandes-annonces, mais également de l'esthétique générale, notamment des costumes et des décors. Mais est-elle l'unique responsable d'un tel cataclysme, sachant qu'il y a un réalisateur, un/des producteurs et tout un studio derrière pour valider ou non les décisions prises durant les diverses étapes de production ? À ce stade, c'est l'ensemble des acteurs derrière le film qu'il faut pointer du doigt, surtout après l'alerte donnée par les premiers retours des spectateurs.

  • D'ailleurs, concernant Apocalypse : faute d'avoir une allure convenable, peut-on m'expliquer ce qu'a branlé l'ingénieur du son qui s'est chargé de retravailler sa voix ? C'était sensé le rendre effrayant ou simplement caricatural ? En même temps, faut-il vraiment être surpris de cet énième raté de la part de Bryan Singer ? Car en effet, il faut croire qu'il est dans son habitude de chier sur ces personnages au point de sérieusement se demander s'il a jamais ouvert un comic book d'X-Men. Bien sûr, lui vous répondra qu'on lui avait taillé un costard dans les règles de l'art lorsqu'il annonça Hugh Jackman au casting du premier X-Men pour le rôle de Wolverine, et qu'au final on ne pouvait que lui donner raison. Certes. Mais sorti de Wolverine, de Xavier et de Magnéto, que reste-t-il de son bilan ? Un Cyclope aux antipodes du leader charismatique, ingénieux et stratégique qu'il aurait dû être, une Malicia qui ne fera tourner la tête qu'aux amateurs de True Blood (lire le RCM Gambit de Howard Mackie et Lee Weeks pour avoir un aperçu de l'importance de la beauté et de la puissance de ce personnage), et pire encore, aujourd'hui se paie-t-il le luxe de proposer un casting nettement plus indigent que l'ancien (pauvre Diablo / Kurt Wagner... Déjà qu'avec Alan Cumming ça coinçait sur certains points, mais avec Kodi Smit-McPhee c'est carrément la Bérézina !). C'est bien simple : avec X-Men : Apocalypse, on ne sait même plus sur qui taper tant les acteurs sont pour l'immense majorité mauvais et les personnages mal écrits.

  • Et le scénario, on en parle ? Le grand intérêt d'X-Men était la parabole qu'il brossait dans notre lutte contre la différence. Racisme, homosexualité... Un combat mené par les créateurs Stan Lee et Jack Kirby dès les années 1960 (encore que l'histoire est un poil plus compliquée que cela, car c'est avec le second groupe d'X-Men que l'allégorie s'est faite sentir) et que Singer a su reprendre à son compte. Mais dans X-Men : Apocalypse, à part nous montrer l'incroyable dextérité des scénaristes d'avoir réussi à pondre une histoire avec les pieds, où est l'intérêt ? Parce que derrière cette histoire manichéenne d'un méchant très méchant voulant imposer sa vision des choses en détruisant le monde pour mieux le dominer (paie ton originalité au passage), que reste-t-il ? Rien, sinon un scénario abscons enchaînant les caméos et le placement de personnages (merci l'utilité de Hugh Jackman dans ce film. Je préfère encore son caméo dans X-Men : Le Commencement, dispensable mais ô combien amusant) qui oeuvre dans l'intérêt d'un discours traité par-dessus la jambe autour du nucléaire et du fanatisme religieux... Et sinon, ont-ils jamais entendu parler de la règle des trois unités préconisées par Jean Chapelain ? Parce que vu comment ils ont l'air de se foutre royalement de l'unité d'action dans ce film, j'ai l'impression que non. Et dire qu'ils ont reçu un chèque avec plein de zéros pour ça...


Je vais m'arrêter là car ce film ne mérite pas que je réfléchisse davantage au fond du problème. Mais si je résume ma pensée, j'ai du mal à concevoir, SensCritique, que tu puisses tolérer par le biais d'une note acceptable voire bonne qu'un film moche, mal écrit, mal interprété et bâclé sur tant de points -même du côté de la mise en scène, ce qui n'est pourtant pas dans l'habitude de Singer- puisse te satisfaire. Et ce ne sont pas deux ou trois séquences réussies (dont une totalement resucée sur l'opus précédent) qui me feront oublier tant de déchets. Encore moins les pardonner. À toi de voir si tu n'en penses pas moins, tout divertissant que le film puisse être. Cependant, la mise à mort du film par la critique américaine et les critiques mitigées en France devraient à mon avis te mettre la puce à l'oreille si jamais d'aventure tu ne bénéficies d'aucune réduction chez Alain Afflelou.

Kelemvor

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