Reno sans Jean c'est toujours mieux, même si c'est John (Huston) qui s'y colle et fait le bon choix en confiant le rôle principal à Marilyn Monroe, sans qui Les Désaxés auraient eu bien du mal à me faire patienter jusqu'à sa mémorable dernière demi-heure ...
Bien sûr, les autres personnages incarnés par Eli Wallach et surtout Clark Gable - pour ne citer qu'eux - se trouvent également transcendés par leurs acteurs. Mais Marilyn : Wow ! Quelle beauté ! Quel charisme ! Elle irradie littéralement la pellicule. Il faut dire que le réalisateur ne cesse de la mettre en avant ; à tel point que sur bon nombre de plans d'une même scène, on ne peut que constater la différence entre les éclairages ouatés posés sur elle et ceux plus classiques sur ses interlocuteurs. Comme si un halo de lumière, une aura angélique, émanaient de son personnage. A moins qu'ils ne fassent qu'illustrer la manière dont ces derniers la perçoivent... Mais s'il n'y avait que ça. Il faut la voir s'adonner aux plaisirs du jokari et de ses spectateurs : elle avait vraiment un truc en plus cette nana, c'est dingue !
Mais qui joue-t-elle dans ce film magnifiquement introduit ? Pas grand monde finalement. Juste une irrésistible beauté blonde d'une trentaine d'années ; une ingénue aux fulgurances humanistes et à l'empathie envahissante ; une hypersensible (un peu trop parfois...) mélancolique qui pourrait presque changer le monde, une partie de son petit monde en tout cas...
Nous voici donc à Reno, le mini Las Vegas du Nevada, où les mariages et les divorces se consomment via la formule express. Et c'est justement autour de son divorce que la plantureuse Roslyn, accompagnée de sa logeuse et amie Isabelle (femme âgée dont le franc-parler mettra le film sur les bons rails) rencontrera Guido (Eli Wallach, rasé de près), un jeune mécanicien, qui lui présentera son ami Gay (si si, c'est son prénom), un cowboy solitaire quinquagénaire (Clark Gable peu avant de s'éteindre) qui n'arrêtera pas d'abord de la reluquer.
D'ailleurs, ce qui m'a un peu déçu, c'est qu'à partir de ses regards un peu vicieux (à cheval notamment) je m'attendais à ce que le film parte sur une voie un peu plus - voire beaucoup plus - tordue ; surtout avec un titre pareil. Mais non, ça reste très sage. Trop sage. D'ailleurs, les deux se mettront très rapidement en couple, même si la liberté de l'un sera confrontée aux vertus de l'autre, illustrant les difficultés d'appréhension du monde et de compréhension entre l'homme et la femme. Enfin, un cinquième larron se joindra au quatuor en route pour le rodéo, où ce dernier participe, après un coup de fil à sa mère d'un ennui abyssal...
Parce que c'est un peu ça le problème : le scénario ne raconte pas grand-chose d'autre que l'histoire de ces gens normaux à qui il n'arrive pas grand-chose d'extraordinaire. Ca cause beaucoup sans être formidablement écrit, en dehors de quelques fulgurances, et le rythme finit donc par en souffrir. Le milieu du film a véritablement tendance à s'éterniser, malgré quelques traits d'humour appréciables comme cette dame de l'entraide sociale des églises qui abuse pas mal.
Enfin, avant l'excellente dernière demi-heure à base de reconnaissance aérienne (très jolis plans en avion), de chevaux sauvages, de lassos, de combats physiques avec la bête et psychologiques avec la femme, il y a quand même ce passage du ciel étoilé franchement mal fichu, puisque l'impression de nuit n'est absolument pas visible sur les plans suivants et précédents.
Mais ce final reste un grand moment - même si un peu trop moral à mon goût - qui se conclura ou presque par cette réplique très poétique : "Autant prendre un rêve au lasso !"
Un film pétri de qualités et de bons acteurs donc, et sublimé par Marilyn, mais beaucoup trop long parce que trop peu rythmé. Et un peu frustrant pour qui s'attendait à un truc moins consensuel.
A noter le clin d'oeil saugrenu mais très amusant des photos de pin-up de Marilyn ornant l'intérieur d'un casier de sa chambre.^^