On sent le vécu de la réalisatrice à chaque moment de ce drame éclairé et utile qui interpelle.

On ne peut que féliciter la jeune réalisatrice Sarah Suco d’avoir couché sur papier et d’avoir porté à l’écran une partie de sa jeunesse dans cette histoire que l’on sait à haute teneur autobiographique. Surtout vu la teneur du sujet et le fait que ce soit un premier film. Un peu de la même manière qu’Andréa Bescond avec « Les Chatouilles » sorti à la même époque l’an passé, la jeune réalisatrice se sert du média qu’est le cinéma comme un exutoire. Non pas sur le sujet des attouchements sexuels ici mais sur celui tout aussi polémique et souvent réduit au silence des communautés religieuses qui s’apparentent à des sectes. Des œuvres qui agissent comme des catharsis pour leurs auteures mais surtout basées sur des faits réels qui les ont traumatisées dans leur plus jeune âge. On voit ici de la manière la plus réaliste qui soit, l’influence néfaste et l’emprise malfaisante que peuvent avoir ces groupes sur des familles entières, souvent des familles dont les parents sont faibles et désemparés. Le fait que la cinéaste ait vécu la plupart des événements montrés à l’écran permet une immersion totale dans le sujet et donc une validation inconsciente et bienvenue de notre part.


Si certaines scènes nous paraissent ahurissantes voire à la limite du ridicule (on pense notamment à ces adeptes qui bêlent littéralement pour appeler leur berger ou à celles s’apparentant à des exorcismes), on sent et on sait que rien n’est exagéré mais que ça respire le vécu, que de telles pratiques n’auraient pu être inventées. Et ça fait froid dans le dos, en prenant soin d’éviter à chaque fois le sensationnalisme. Il y a peu de films sur le sujet en France, voire pas du tout et si on regarde du côté du cinéma américain ou étranger, les exemples sont rares qui traitent ce thème de manière réaliste et sociale comme ici. On pense à « Martha, Marcy, May, Marlene » ou au tétanisant « The Invitation » de Karyn Kusama resté inédit chez nous mais les approche étaient encore différentes, plus proches du thriller psychologique. Ici, on est clairement dans le drame et le constat sociétal. Sarah Suco a donc investi un terrain inédit dans le paysage cinématographique français avec brio. Le tout début du long-métrage est un peu hésitant et il est vrai que durant un quart d’heure le film patine un peu. On a du mal a bien percevoir la manière dont cette famille décide d’intégrer cette communauté mais une fois dedans on est captivés de bout en bout.


Par petites touches, sans forcer, le script a la bonne idée de montrer intelligemment la manière dont les sectes pratiquent insidieusement l’endoctrinement sur des personnes faibles. On entre dans ce milieu particulier grâce aux yeux du personnage principal, impeccablement incarné par la jeune Céleste Brunnquell qui devrait figurer parmi les révélations de cette année, un personnage partagé entre indignation et résiliation. Certaines séquences sont édifiantes et font froid dans le dos comme celle avec les grands-parents rejetés ou celles de réunion avec un prêtre terrifiant de froideur et de force tranquille. Un rôle difficile dans lequel Jean-Pierre Darroussin se glisse à la perfection. N’oublions pas Camille Cottin qui ne cesse de surprendre par la variété de ces choix de rôle et qui, comme Virginie Efira, a définitivement gagné ses galons de grande actrice ici. Elle est impressionnante en mère qui offre sa famille à cette communauté. « Les éblouis » est une œuvre forte magnifiquement éclairée par la lumière d’Yves Angelo qui donne une patine singulière et intemporelle au film. C’est une histoire bouleversante qui n’est pas sans contenir quelques imperfections (longueurs, petite histoire d’amour maladroite, …). Mais c’est surtout un témoignage d’utilité publique qui marque par petites touches, fait réfléchir et marque la naissance d’une réalisatrice à suivre.


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JorikVesperhaven
7

Créée

le 19 déc. 2019

Critique lue 768 fois

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Rémy Fiers

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