Sky comes down

Présenté en compétition au dernier festival d’Annecy, «Les enfants de la mer» y avait fait forte impression tout en n’y obtenant aucune récompense. La véritable récompense vint lors de sa sortie où l’ont vu déferler une vague de critiques positives. «Fable envoûtante», «délire visuel», les critiques dithyrambiques allaient bon train. Mais qu’en est-il vraiment?

Il est certain que la positivité dégagée par les critiques, presque unanimes, est méritée : «Les enfants de la mer» est en effet un conte fabuleux qui se ressent et se vit plus qu’il ne se comprend, un livre ouvert qui ne demande qu’à être apprécié et nous envoûte de ses belles images, leurs découvertes nous satisfaisant toutes plus les unes que les autres. Cependant, il n’y a pas que le côté visuel dans un long-métrage d’animation et je suis resté assez perplexe en finalité.

En allant voir «Les enfants de la mer», je m’attendais à un petit film d’animation japonais qui ne demandait trop amples réflexions. Au final je me suis retrouvé devant un film d’animation philosophique évoquant l’origine de la vie et le rapport que chaque élément qui constitue l’univers entretient avec elle, et je n’y étais réellement préparé, ce qui explique pourquoi le film m’a laissé plus ou moins circonspect. Mais en s'y intéressant de plus près, j’ai dès lors vécu «Les enfants de la mer» comme une expérience envoûtante et féerique, aussi loin du bout qu’il pouvait m’emporter avec son design graphique de toute beauté. En effet, l’animation est particulièrement remarquable et offre un nombre incalculable de plans qui arracheraient presque la rétine, la beauté visuelle est continue et ne cesse de nous surprendre avec ses couleurs crépusculaires. Car le film raconte une ode à la vie, l’aube de la vie et sa création, mais aussi son renouvellement et donc la mort pour revenir à la vie - le phénix qui renaît de ses cendres, entre autres - d’où les couleurs pastels et claires au début qui s’assombrissent pour revenir aux couleurs étincelantes du début avec néanmoins toujours un peu de crépuscule en coin pour rappeler les événements qui se sont écoulés. En comparaison avec un film d’animation japonais sorti récemment, «Wonderland» ne nous offrait de telles couleurs somptueuses, mais gagnait cependant largement avec son univers parfaitement exploité et ses personnages très attachants. Et c’est là à mon sens que «Les enfants de la mer» pêche.

En dépit de l’expérience sensorielle et la réflexion suscitée sur la vie, c’est au niveau de la forme que le film perd de sa qualité. Les personnages arrivent au compte goûte dans le récit, amenant chacun son lot de mystères et d’incompréhensions que le film se résoudra pas tout à fait - ce qui est cohérant cela dit avec le côté mystique du film - mais ça crée d'un autre côté un sentiment d’insatisfaction voire de frustration. Même si la plupart sont là pour la symbolique - les deux enfants de la mer entre autres, je n’ai vraiment ressenti de compassion et d’attachement envers eux. J’avais la sensation qu’ils narguaient Ruka d’être supérieurs à elle, car ils savaient d’avance le destin qui les attendaient, à savoir la création d’une nouvelle vie, ou d’un nouvel univers, ou d’une nouvelle galaxie, selon les interprétations que l’on peut faire de la fin et de son tourbillon de couleurs et de lumières.

L’émotion y est finalement présente sans y être, les personnages n’étant finalement qu’effleurés, et même si le visuel y est de très grande qualité, on ne s’identifie pas vraiment aux personnages ni au message derrière le film, bien qu’il soit après réflexion profond sur l’origine de la vie. «Les enfants de la mer» est sans conteste un film d’animation qui appelle une mure réflexion de la part des adultes tout en charmant avec ses allures de conte les enfants, proposant à la fois une expérience sensorielle magnifique, sublimée par sa dimension visuelle et son ambiance musicale féerique, absolument ensorcelante.

14/20