Les Enfants de la mer
6.6
Les Enfants de la mer

Long-métrage d'animation de Ayumu Watanabe (2019)

Ah l’anime japonaise !
J’avoue, plus le temps passe et plus j’y vais à reculons. Ce ne sont pas forcément les productions que je remets en cause mais plutôt la distribution qui en est faite en France. Plus d’une fois je me suis retrouvé sceptique face à des œuvres à l’intérêt dramaturgique et/ou cinématographique franchement discutable. Seule la reproduction d’une esthétique et d’un état d’esprit proche d’une certaine zénitude à la Ghibli m’a semblé compter par rapport aux derniers choix de distribution opérés par Eurozoom ou de Septième factory.


Et si je dis tout cela avant d’aborder ces « Enfants de la mer » ce n’est pas un hasard. Non seulement le pitch de ce long-métrage d’Ayumu Watanabe me faisait craindre ce stéréotype là (ce qui m’avait refroidi pendant un bon moment d’aller le voir) mais en plus de cela, il a fallu que les vingt premières minutes viennent confirmer dans un premier temps ce point de vue. Alors OK c’était vraiment très beau, notamment grâce à une intégration judicieuse de modèles numériques dans la plupart des éléments de décor, mais en termes d’intrigue, ça avait l’air encore une fois de partir à la cueillette aux fraises.


Parce que bon, excusez du peu, mais tout le début du film c’est juste l’histoire de gentille Mimounette qui se fait gentiment mettre sur la touche de sa choupinette équipe de handball et donc elle va dévaler les mignonets reliefs du village kawai pour retrouver son adorablounet de papounet qui a un taf trop zen au tip-top aquarium. Et c’est là que la gentille Mimounette va faire la rencontre trop mimi avec un garçon un peu étrangeounet mais tellement kissou… Alors je ne dis pas : j’ai rien contre les fleurs, les regards qui brillent et les jeunes-gens en fleur, mais à condition que tout ça ne soit qu’une toile de fond pour une véritable intrigue qui cherche à dire et à explorer quelque-chose qui n’ait pas déjà été lessivé par des centaines de prédécesseurs.


Et franchement, pendant un bon bout de temps, j’ai vraiment eu l’impression que j’allais pouvoir me brosser au niveau de mon exigence pourtant basique. Le vice allait jusqu’au fait que tout l’entourage de Mimounette considérait comme normal qu’un gamin sache passer l’essentiel de son temps sous l’eau. « Bah tu comprends, il a été élevé par une bande de calamars en papillotes, donc c’est normal qu’il ait besoin de garder sa peau humide à chaque fois qu’il se risque hors de l’eau… » Olala… Franchement, à ce moment là, je me suis dit que ça risquait d’être long…


Sauf que, fort heureusement, ce film va progressivement abattre ses cartes. Je disais tout à l’heure qu’il était assez beau et bien ficelé au niveau de sa technique, eh bien il se trouve qu’au fur et à mesure de l’avancement de l’intrigue, ce film parvient à faire de cet aspect là une des clefs de voute de toute son architecture.


Car s’il n’est au départ utilisé que pour reproduire de beaux décors bien pastels, le dispositif technique devient vite l’occasion d’expérimenter des trips visuels assez saisissants, autour duquel l’auteur va commencer à broder une mystique loin d’être insignifiante. Et si d’un côté ce film parvient à se doter d’une véritable cohérence dans sa démarche tout en sachant maintenir un certain flou (nécessaire) sur la signification de certains symboles, d’un autre côté on pourra aussi lui reprocher un défaut bien japonais : la profusion. A vouloir aborder plein de choses en même temps, avec des niveaux de lecture variés, Watanabe se met à surcharger sa barque sans qu’on sache vraiment où il voulait vraiment en venir.


Parce que bon, d’un côté on ce trip écologico-cosmique très intéressant qui essaye de mettre en sens la déconnexion de l’humain au vivant, et de l’autre on a tout cette démonstration finale qui vise à suggérer qu’au fond, tout ça n’était qu’une symbolique pour évoquer l’impact que peut avoir un amour de vacances sur une personne. Et si les deux sont des thématiques très intéressantes, elles ne sont – dans ce film – malheureusement connectées en rien !


Alors du coup – oui – au final ça reste quand même un spectacle sacrément bancal qui peut brimer des spectateurs qui, comme moi, n’aime pas être parasités par du superflu. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je lui mets une note au fond convenable mais pas à la hauteur de ce qu’il aurait pu m’apporter. Parce que oui, avec davantage de maitrise, je pense que ce film aurait pu être une de mes énormes claques de l’année. Oui, énorme. Parce que l’air de rien, il y a une vraie démarche formelle dans ce film ; une vraie volonté pour aller stimuler les sens et nous proposer une expérience de cinéma unique et puissante. Ça, c’est un mérite qu’on ne peut vraiment pas lui retirer.


Et c’est ce qui me fait d’ailleurs dire que, bien que grandement perfectible, ce film je ne peux m’empêcher de le conseiller aux vrais amoureux de cinéma formaliste et sensoriel, qu’on soit un adorateur de japanimation ou pas…

Créée

le 23 août 2019

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