Grand classique de la littérature américaine du XIXe, Little Woman a eu, au cours du siècle suivant, son lot d'adaptations sur petit et grand écran. On se souvient notamment de la mini-série de 1978 de David Lowell Rich et surtout, de la très réussie version cinéma de 1994 signée par Gillian Armstrong, avec Susan Sarendon, Winona Ryder, Kirsten Dunst, Clare Danes, Christian Bale ou encore Gabriel Byrne (excusez du peu!).
Si retrouver cette histoire intemporelle au cinéma avait de quoi nous ravir, on pouvait néanmoins se demander ce que cet énième portage allait pouvoir apporter.
C'était sans compter sur le talent de Greta Gerwig, qu'on connaissait jusqu'ici surtout en tant qu'actrice.


Le premier choix fort de la jeune réalisatrice, c'est d'abord d'avoir "déstructuré" l'histoire de Louisa May Alcott en abandonnant l'approche chronologique du double roman original. Cette fois, le film commence alors que les filles sont déjà adultes, puis revient régulièrement sept ans en arrière, relatant alors les événements du premier livre.
Un choix habile qui permet d'offrir une nouvelle dynamique à cette oeuvre, à la réserve près qu'on s'y perd parfois un peu. Néanmoins, on remarque souvent que la période relatant l'adolescence des filles offre des images aux couleurs plus chaudes que celles de l'âge adulte.


Si on qualifiera de "mignonne", la première partie du film, la seconde est clairement celle qui présente le plus d'intérêt. Celle où les enjeux deviennent palpables.
Si Greta Gerwig n'élude jamais vraiment l'histoire originale (même si quelques "détails" sont mis de côté), elle l'a néanmoins "orienté" pour appuyer les thèmes qui lui sont chers.
Si les rêves de gloire et d'accomplissement des quatre jeunes femmes sont toujours bien présents, en revanche, la réalisatrice les utilisent pour montrer à quel point une femme du XIXe siècle avait peu de chance de les voir se réaliser, tant il était difficile de se défaire des chaînes d'une société encore très patriarcale.
D'autres thèmes viennent également ponctuer cette version de Little Woman: on y parle des liens familiaux, de la complexité des rapports hommes/femmes, ou encore de la vie après la perte d'un être cher. On appréciera d'ailleurs que les quatre filles ne cristallisent pas à elles seules les sujets abordés, les personnages dits secondaires portant eux aussi leur fardeau.
Enfin, le contexte de la guerre de Sécession et plus généralement, de la vie au XIXe siècle, n'est pas éludé non plus et il donne souvent à réfléchir sur les conditions de vie à cette époque, d'un point de vue plus matériel et sanitaire. De quoi nous faire aimer 2020 malgré tout!


Si l'approche ambitieuse de Greta Gerwig explique en partie la réussite de cette adaptation, la réalisatrice a également pu se reposer sur un casting qui n'a finalement pas grand chose à envier à celui de 1994. On notera tout particulièrement la performance de Saoirse Ronan, qui a su porter le personnage de Jo dans toute sa complexité, et ce jusqu'à la dernière seconde du plan final, et Florence Pugh qui transcende celui de Amy, souvent considérée comme la soeur March la moins intéressante (et sympathique). A l'inverse, parmi les rôles principaux, celui de Laurie (incarné par Timothée Chalamet) semble le moins travaillé et intéressant, mais il a au moins le mérite d'être aussi agaçant que ses prédécesseurs (à se demander ce que les filles lui trouvent)!


Les (Quatre) Filles du Docteur March 2020 est une bonne surprise. Greta Gerwig est parvenue à en proposer une lecture actuelle, tout en évitant d'être trop anachronique ou de se vautrer dans un féminisme simplet. Par ailleurs, le film n'en perd pas pour autant sa dimension "divertissement" et restera une oeuvre qu'on prendra autant de plaisir à regarder en période de fêtes que toutes les autres sorties auparavant.
La production soignée et le charme des actrices parachèveront de vous en convaincre, cette nouvelle version du classique intemporel de Louisa May Alcott n'est pas un coup d'épée dans l'eau et parvient, de manière tantôt drôle, tantôt émouvante, à dresser une critique sociale qui fait encore écho aujourd'hui.

billyjoe
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le 13 janv. 2020

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Billy Joe

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