Les Heures Sombres a tout du film oscarisable, et ne s'en cache pas.
Ce qui ne m'en fait pas d'emblée un allié.



  • Reconstitution historique sur un sujet grave.

  • Acteur génial dont le monde attendait qu'il soit enfin récompensé, grimé pour ressembler le plus au personnage.

  • Genre du biopic, dont on sait qu'il faut beaucoup d'originalité et d'habileté pour réussir à se démarquer.
    Ce que Joe Wright, roi du classicisme anglais (malgré une évasion agréable avec son Hanna en 2011) n'a visiblement pas.


Certes Gary Oldman est bon, bien qu'il penche vers les mimiques, et le trop pour interpréter ce Churchill. Mais on peut aisément s'interroger sur la véritable performance d'acting lorsque Oldman, physiquement en tout point opposé à Churchill, lui ressemble une fois métamorphosé à grands coups de prothèses et de maquillage (récompensés aux Oscars eux aussi, à raison, tant ils sont criant de vérité). C'est donc une performance, comme les américains en raffolent, sans incarnation, mais toute en transformation.
Une case de cochée.


Pour ne pas trop sombrer dans un classicisme qu'il embrasse déjà pleinement, Joe Wright utilise toute une panoplie de procédés d'une rare laideur et d'une lourdeur qui rendent sa mise en scène, ultra théâtrale, se voulant moderne, avec son image aux couleurs les plus artificielles possibles, finalement bien vide (un Churchill plongé dans le noir pour mieux expliciter sa solitude face à ses prises de décision, de gros titres remplissant l'écran pour expliciter la pression du temps qui presse, à grands renforts de bruitages d'horloge abusifs, contre-plongées artificielles sur les lieux stratégiques de pouvoir et de conflit - notamment une scène ridicule mettant en scène le conflit, alors que le film avait jusqu'alors, et avec cohérence, décidé de parler de la guerre sans la montrer, la réduisant à décisions politiques prises dans des sous-sols et des couloirs - ...).
Rien n'est trop gros pour attirer le public et se donner un style.
Une nouvelle case de cochée.


Rien, ni même des facilités scénaristiques et des inventions pures et simples qui n'ajoutent rien à l'histoire/Histoire qu'une simple tentative de péripéties, là encore artificielle.
Pas de conspiration Chamberlain-Halifax pour faire chuter Churchill, pas de Miss Layton à cette période (sa dactylo n'ayant été engagée réellement qu'en 1941), pas de descente de Churchill dans le métro (se voulant pourtant une scène cruciale du film ; le pouvoir "descendant" rencontrer le peuple et prendre sa température pour orienter ses décisions, le tout dans une lourde leçon manichéenne d'un peuple unanimement dressé contre l'invasion fasciste et pour la démocratie).
On aura donc droit à un personnage secondaire rajouté (puisque le simple sujet ne semble pas être suffisamment passionnant), la malheureuse Lily James, dont on se demande bien quelle peut être son utilité. Même le personnage de Clementine Churchill (Kristin Scott Thomas), l'épouse du Prime Minister, personnage pourtant important, est réduite à quelques petites scènes là encore inutiles dans lesquelles on découvre qu'elle est une des seules personnes à pouvoir engueuler et taquiner le Churchill (traitement tout sauf original, presque obligé dans un film de ce genre, encore une case de cochée).


Ces rajouts scénaristiques n'ont donc qu'une ambition ; meubler un film qui n'a rien à proposer, et dont le propos historique à lui seul aurait pourtant été suffisant pour passionner.
Les Heures Sombres ennuie donc sagement : l'intérêt ne va ni croissant ni décroissant, il reste machinalement plat, comme un encéphalogramme auquel on administrerait quelques impulsions électriques pour simuler un regain d'énergie.
Une simulation donc pour un film sans prise de risque.
Hop, c'est coché.


De ces 25 jours qui ont, plus ou moins, sauvé le monde de la barbarie nazie, Wright ne parvient à faire qu'un film lisse, alors qu'il laissait tout du long poindre l'idée que ce sont les mots, les arts de la langue, de l'argumentation et de la conviction qui ont permis l'acceptation de mesures difficiles et, finalement, la victoire.
Cela ne se ressent malheureusement que dans l'ultime phrase concluant le film.


Seuls la figure sympathique de Churchill (cet alcoolique notoire, un peu haï de tous pour son franc-parler et son humour piquant) et l'intérêt pour les arcanes du pouvoir dans un épisode historique déterminant pour l'Histoire qui sauvent la copie.


Rien qui ne soit en soi propre au film, finalement.

Créée

le 16 nov. 2020

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Charles Dubois

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