Les Indestructibles 2
7.2
Les Indestructibles 2

Long-métrage d'animation de Brad Bird (2018)

Comme pas mal de monde, j'avais kiffé le premier indestructible, déjà pour l'aspect pixar - l'humour, le décalage, l'énergie qui se dégage de l'animation - mais aussi pour le côté "super héros", impeccablement géré. Un bon dosage, qui fonctionnait au poil avec une fin ouverte, histoire de se réserver un boulevard en cas de succès et de suite.


Succès il y a eu, suite il y a eu. Et il aura fallu 14 ans. Un tel niveau de maturation, ça devait donner un millésimé fabuleux.


ça devait, oui.



La facture, au nom de monsieur super ?



Le film reprend littéralement là où le premier nous avait laissé, sur l'affrontement avec le démolisseur - qui au départ ne devait être qu'un gag mais pixar a jugé bon de nous faire ici une retour vers le futur 2. Si l'affrontement en soi a de la gueule, on sent bien que le second opus pédale un peu pour raccorder les fils. Mais bon, l'intro reste sympa.


Les Parr sont à nouveau dans une situation critique : leur super activité provoque bien trop de casse, aussi le département d'état destiné à les couvrir et à rembourser leurs dégâts est fermé, les laissant se démerdouiller avec leurs responsabilité de super héros.


Si vous trouvez que cette prémisse ressemble un peu à quelque chose d'autre - à un certain autre film de pixar avec des super héros qui commencerait par "I"- chassez donc ces mauvaises pensées. Ici, la situation est différente puisque ce n'est pas un riche mécène qui va proposer à un membre de la famille de financer ses activités.


Ah tiens, si. Mais gros changement : ce n'est plus Bob qui est soutenu par un riche amateur de super héros mais Hélène, cette fois-ci, car, je cite le film "plus douce". Ben oui, c'est une bonne maman, et une bonne maman ne casse jamais rien, ne s'énerve jamais et même en super héroïne, elle reste délicate, diplomate et subtile, bien évidemment.


Et si vous me trouvez un brin sarcastique, c'est parce qu'on arrive déjà à l'énorme problème du film.



Super mommy



Il y a une tendance que j'exècre tout particulièrement dans les films en ce moment, celle qui consiste à dire "on refait pareil mais avec des filles". Citons au hasard ocean's eleven, SOS fantômes, Terminator... Pas parce que bouh, ça exclut les hommes, personnellement je m'en tamponne tant que ça me raconte un truc intéressant, mais parce que ça pue l'opportunisme en marketant un truc qui est, ma foi plutôt sérieux et consiste à considérer que la moitié du genre humain vaut l'autre moitié (c'est une égalité apparemment très difficile à considérer). Et qu'on concède donc à cette autre moitié de raconter souvent la même histoire, sans se mouiller. Ce qui ressemble un peu à du mépris pour la moitié et les spectateurs... et à de la démagogie bien crasse.


Et les indestructibles 2 ne se contente pas de tomber dans cette démagogie mais s'y embourbe, les deux pieds, les bras, la cape, tout.


Parce qu'il fait le PIRE truc qu'on puisse faire pour ça : il dégrade ses personnages.


Vous vous souvenez de M. Indestructible ? Hé bien dans ce film il est jaloux de sa femme, macho et incapable de gérer les gosses, tout particulièrement sa fille (bien évidemment...). Et c'est quasiment tourné comme un gag. Que Bob Parr ait un certain ego, soit, on l'avait constaté. Mais le voilà soudainement qui considère sa femme comme incompétente, en piquant sa crise lorsque celle-ci est embauchée à sa place. C'est l'impression qu'il vous avait donné, à vous, dans le premier opus ? Ou de ne jamais s'occuper de ses gamins, qu'il semble soudainement découvrir ? C'est bien simple, dans cette version, m. indestructible est pathétique, détestable et principalement là pour le gag "lol les hommes sont débordés dès qu'il faut changer une couche et s'occuper du bébé qui se téléporte". Une blague déjà pas drôle dans les sitcom d'il y a dix ans.


Passons à madame, donc, puisqu'elle est au centre de cet opus. Le fait est qu'elle ma foi fort badass, servie par d'excellentes scènes d'action (superbe course poursuite) et affronte un méchant à sa mesure - on y reviendra. Le problème c'est qu'Hélène c'était déjà tout ça dans le premier opus : elle n'était pas "enfermée" dans son rôle de mère, n'y était pas contrainte et n'hésitez pas à laisser ce rôle en plan lorsque la situation exigeait qu'elle botte des culs. C'est très bien de rappeler au public qu'on ne doit pas rester dans une case et se contenter d'être bobonne à la maison quand on peut faire plus pour s'épanouir, mais ça aurait été largement plus judicieux de le faire avec un personnage qui souffrait réellement de cette condition, pas une épouse en harmonie avec son mari dont la condition de maman découlait clairement d'un choix conscient. Ça aurait été judicieux de le faire par exemple avec Violette ? Parce qu'elle, en revanche, n'a pas évolué un iota depuis le dernier film. Elle est toujours en pleine crise d'ado, que le film résume à "être trop amoureuse du beau gosse du lycée". Bref, on sort des cases d'un côté pour y confiner ses personnages de l'autre. Une fille c'est pas juste un cliché mais un petit peu quand même. Quant à Flèche, il aurait pu décéder sous les coups de Syndrome dans le précédent film qu'il aurait eu plus d'importance dans le scénario. Aucun intérêt.


Jack-Jack, devenu infernal et à peu près aussi sympathique son père, a droit à une séance beaucoup trop longue où il martyrise un raton laveur qui se contentait de fouiller les poubelles, pour le gag (pensez Tom et Jerry, version pas drôle). Heureusement, Edna - qui déteste les mioches - parviendra à maîtriser l'infernal rejeton mieux que son père. Mais ça doit n'avoir aucun rapport avec le fait que ce soit une femme, hein. Sûrement pas. Faudrait pas que Bob Parr se montre compétent, ça desservirait son épouse et son mérite.


Vous trouvez que j'insiste lourdement et que c'est pénible ? Vous avez parfaitement raison. Ça vous donne une idée de l'impression que m'a laissé le film et sa méthode marteau pilon pour me faire passer son "message", de l'ordre des coups de coude répétés dans le flanc, sans arriver à être vraiment drôle (j'aurais passé outre si ça avait été le cas). Et je m'en foutrais si ça ne rendait pas les personnages au mieux transparents, au pire puissamment cons. Et si ça n'éclipsait pas l'histoire.



Bad is good



Reste le bad guy. Et là on atteint un autre problème : ses motivations sont plutôt intéressantes, sous certains aspects, il aurait même plutôt raison.


Bon son identité est cramée en quelques minutes mais il soulève des problèmes intéressants liés aux super héros et à la puissance des médias : l'assistanat, l'endormissement des masses par le grand spectacle, la fragilisation des humains normaux par la seule existence des super, etc... Un bon méchant, qui ne se contente pas de l'être mais a nourri sa frustration de quelque chose de bien réel et qui pourrait être assez aisément transposé à notre monde. D'ailleurs point de grand discours comique ici, mais de réels questionnements à Hélène Parr lorsqu'elle se confrontera à ce super vilain. On peut même en poussant un peu y voir une légère - légère hein, faut pas exagérer - auto critique de Disney et son MCU. Et puis de manière globale ses interventions ont du style, là où Syndrome s'il était une réelle menace avait un côté beaucoup plus parodique.


Le problème c'est que le scénario et ses personnages s'en foutent complètement. Incroyable spoiler : le super vilain est arrêté à la fin. Et c'est tout. Hélène Parr le neutralise et reprend tranquillement sa vie de super héroïne/maman sans être une seule seconde ébranlée ou changée par les accusations pourtant assez légitimes de son ennemi, finissant elle aussi en personnage presque unidimensionnel. Elle est là pour casser du vilain, point. C'est plutôt désolant.



Tu te prends trop la tête



Oui, je vous vois venir : c'est qu'un film d'animation, tu gamberges trop, tu t'attardes trop sur les messages, prends pour ce que c'est, c'est fun, beau, bien animé. Alors beau et bien animé, oui, évidemment et sans aucun conteste. Fun en ce qui me concerne non mais ok, l'humour c'est particulier, ça a sûrement dû faire rire d'autres spectateurs.


Mais j'aurais jamais eu ce genre de remarques sur le premier indestructibles. Déjà parce qu'il n'appuyait pas sa volonté de délivrer un message - il le faisait de facto, aucun film même blockbuster n'en a pas - et puis le film était parfaitement dosé côté rythme et personnages, ce qui fait que ce message passait de manière inconsciente et donc réussie. Le principe même du cinéma c'est l'illusion : c'est te faire passer une idée pendant que tu regardes ailleurs. Hé bien là, non seulement ce n'est pas subtil du tout, cela empiète clairement sur la partie "illusion" et phagocyte l'histoire mais on sent vraiment les auteurs du film pas à l'aise avec leurs sujets. Pire, Les Indestructibles 2 m'a laissé l'impression que ses auteurs n'avaient tout simplement pas envie de le faire. C'est finalement ce qui rend tout ça fade et déplaisant : un manque flagrant de sincérité et d'implication. Tout n'est pas à jeter, ça rend ce résultat d'autant plus dommage, surtout quand on a voulu donner le rôle à Hélène Parr. A l'instar des Ghostbusters ou des Ocean's 8 elle aura donc eu pareil mais en moins bien. C'est quand même ironique.

SubaruKondo
5
Écrit par

Créée

le 7 nov. 2018

Critique lue 85 fois

SubaruKondo

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