Profondément humain, terriblement juste, joué avec un naturel fou, un film simple et magnifique.

Mais que ce film fait du bien ! Louis Julien-Petit continue dans la même veine à la fois tendre, drôle et sociale que dans « Discount » mais avec encore plus de réussite. Il a trouvé l’équilibre parfait entre les trois et nous offre une œuvre humaniste, belle et juste sur des femmes que la société d’aujourd’hui a mis sur le ban. Des femmes qu’on ne préfère pas voir et/ou qui ne préfèrent pas être vues. En s’intéressant à ces sans domicile fixe aux parcours bien différents, il pointe du doigt intelligemment nos sociétés capitalistes qui oublient les laissés-pour-compte. « Les Invisibles » s’aligne clairement sur les traces du cinéma anglais social de Ken Loach, mais avec plus de douceur et un côté revendicatif moins forcé et hargneux. Il n’empêche, le résultat est tout aussi probant et il nous emporte clairement dans un tourbillon d’émotions diverses mais fortes. Il y a peut-être une ou deux longueurs et le personnage de Corinne Masiero qu’on aurait aimé plus fouillé mais ce sont des détails au vu de la réussite indéniable de ce gros coup de cœur. Une œuvre belle et simple par sa modestie et puissante et nécessaire via le message qu’elle véhicule.


Le film parvient à réveiller chez nous plusieurs sentiments que l’on pensait endormis. On est à la fois indigné par la rigidité de l’administration sur ce problème, émus par la détresse de ces femmes que la vie n’a pas gâté mais aussi admiratifs de ceux qui veulent les aider et en on fait le combat d’une vie. D’ailleurs « Les Invisibles » pourrait se voir comme un docu-fiction sur ces femmes qui vivent en foyer d’accueil ou dans la rue mais aussi sur celles qui ont fait le choix d’en faire leur métier ou de devenir des bénévoles à cette cause. Une déclaration d’amour entièrement dédiée à ces personnes de l’ombre altruistes et profondément humanistes qui ont décidé de donner un peu de leurs vies pour éclairer celles d’autres, moins chanceuses. Parfois au prix de leur propre bonheur. Mais cet aspect à la lisière du documentaire n’empêche pas la fiction de fonctionner à plein régime et de faire de ce film un vrai plaisir de cinéma, surtout que la caméra de Petit est tout sauf statique. En effet, un tel sujet n’empêche pas de soigner ses images et le metteur en scène habille son histoire de manière discrète mais agréable à l’œil. Il parvient même à densifier admirablement son récit avec le parcours personnel des quatre encadrantes (et donc les quatre actrices principales), notamment avec des virages romantiques touchants et parfaitement négociés sur la fin.


Tous les portraits décrits ici le sont avec amour et empathie. A l’image, le réalisateur parvient à rendre drôles des situations tristes et émouvantes des situations comiques. Un tour de force en équilibre constant mais réussi. Durant une heure et demie, on est partagé entre rires et larmes et cette sacrée bande de femmes, celles qui aident comme celles qui ont besoin d’aide, est magique. On vit leur malheur (terrible séquence du démantèlement du camp de fortune), on vit leurs craintes tout comme leur déconnexion sociale (la peur de l’entretien d’embauche) mais on vit aussi leur petits bonheurs (la soirée au bar). Leur bonne humeur fait rire, d’un humour fin et bon enfant, et leur détresse interpelle et émeut (le regard de certaines de ses actrices non professionnelles est frappant). Quant au quatuor d’actrices principales, elles sont magistrales et d’une justesse inouïe. Corinne Masiero surprend encore dans un rôle plus tragique que celui qu’on attendait d’elle dans ce type de film et Audrey Lamy est à contre-emploi (enfin !) dans un rôle qui prouve que comme son illustre sœur elle peut être à l’aise dans le registre dramatique. « Les Invisibles » frappe en plein cœur et on sort de là sonné mais le sourire aux lèvres de voir qu’aider son prochain est toujours possible. Mais un constat s’impose : ces invisibles doivent sortir de l’ombre dans laquelle la société les a confinées et la lumière que met ce film sur elles est un bon début.


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JorikVesperhaven
9

Créée

le 12 mai 2019

Critique lue 191 fois

Rémy Fiers

Écrit par

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