Deux aristocrates brillants et spirituels, la marquise de Merteuil et le séduisant Vicomte de Valmont, signent un pacte d'inviolable amitié à la fin de leur liaison. C'est au nom de celui-ci que la marquise demande à Valmont de séduire la candide Cecile de Volanges qui doit prochainement épouser son ex-favori, M. de Bastide. Mais Valmont a entrepris de séduire la vertueuse Mme de Tourvel.

Adapter un chef-d'oeuvre de la littérature en film projeté sur grand écran, soit transposer en images la beauté des phrases, est toujours un pari dangereux, mais il faut reconnaître à Stephen Frears de l'avoir accompli brillamment et d'offrir au 7e Art un bijou facetté avec virtuosité et délicatesse, donnant aux images la fraîcheur et la grâce des merveilleuses toiles d'un Boucher, d'un Fragonard ou d'un Watteau. Christopher Hampton, qui a conçu l'adaptation, a su conserver l'essentiel du texte, sans que la transposition ait trop à souffrir de passer des propos épistolaires aux dialogues. " Ce qui m'intéresse chez les personnages de Laclos, c'est la vérité des sentiments et leur actualité. Et puis resserrer les images sur les couples, c'est privilégier la spontanéité. Les plans larges donnent un effet guindé, culturel, historique, que je veux absolument éviter. Pour la même raison, j'ai préféré des comédiens américains aux comédiens anglais. Les Anglais ont un jeu formel, les Américains, émotionnel. " - disait Frears au moment de la sortie du film en 1989.

Tourné au château de Neuville, dans un décor digne des plus belles pages du XVIIIe siècle, ce long métrage ne laisse rien au hasard : mise en scène soignée et élégante où tout est voué au culte du raffinement et de la beauté et, ce, au service d'une société privilégiée qui a fait du désir et du plaisir l'essentiel de sa vie. Mais dans cette fable cruelle où la séduction se pratique comme l'art de la guerre, les illusions des sens vont bientôt laisser place aux désillusions des sentiments, si bien que le vicomte finira par céder à l'amour et la marquise de Merteuil à la jalousie et au déshonneur. Les deux principaux personnages sont interprétés par des acteurs de premier plan : Glenn Close, magnifique marquise qui semble invulnérable tant elle exerce sur elle-même une maîtrise qui ne semble pouvoir être jamais ébranlée et qui, néanmoins, le sera. Quant à John Malkovitch, en prince des alcôves et démon de la stratégie, il est tout simplement terrifiant de perversité et trouve là un de ses meilleurs rôles. Le film doit beaucoup à leur présence maléfique et à leur beauté hautaine. A leurs côtés, l'adorable Michelle Pfeiffer est une Madame de Tourvel fragile et délicate, un véritable petit Saxe que le vicomte va se plaire à briser entre ses doigts et dont la douleur est rendue de façon bouleversante par la jeune actrice. Victime consentante de ce jeu élaboré cyniquement par le couple maudit Merteuil/Valmont, elle sera toutefois celle grâce à qui la morale sera sauve : la marquise tombera enfin de son piedestal et Valmont se laissera tuer en duel.

Réussite indiscutable, ce film d'époque n'en reste pas moins d'actualité. Il y a aujoud'hui encore dans notre société permissive des Valmont qui savent user et abuser des autres afin d'assouvir leur volonté de puissance et de séduction, et des Madame de Merteuil prêtes à toutes les compromissions pour parvenir à leurs fins et satisfaire leurs vanités. Oui, le monde n'a guère changé, sinon que le décor et les toilettes, le raffinement des objets, la grâce des coloris sont rarement à ce niveau d'élégance. Et surtout que la belle langue française n'est plus parlée et écrite à ce degré de perfection. Il y a eu depuis lors beaucoup de relâchement ... Au final, nous n'avons conservé au XXIe siècle que le plus mauvais : la privauté des moeurs.
abarguillet
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 5 févr. 2013

Critique lue 371 fois

abarguillet

Écrit par

Critique lue 371 fois

D'autres avis sur Les Liaisons dangereuses

Les Liaisons dangereuses
Eggdoll
7

On s'ennuie de tout mon ange, c'est une loi de la nature. (Le livre est inégalable)

Vu mon excessive adoration de l'oeuvre de Laclos, c'est avec une certaine appréhension que j'ai décidé de me jeter à l'eau et de voir enfin le film. C'est quand même un tour de force appréciable de...

le 30 juin 2011

45 j'aime

12

Les Liaisons dangereuses
Ugly
7

Le jeu des libertins cyniques

Ces jeux pervers et raffinés d'aristocrates libertins et oisifs pourraient rebuter au premier abord, et j'avoue que je n'en suis guère friand, mais on se laisse prendre progressivement par les...

Par

le 16 oct. 2017

19 j'aime

4

Les Liaisons dangereuses
AudreyAnzu
10

"Une seule mousseline couvre sa gorge; et mes regards ont déjà saisi les formes enchanteresses"

Oui enchanteur est le mot pour cette sucrerie cinématographique ! Une adaptation du livre plus que réussite. Je salue d'abord la musique en harmonie totale avec l'ambiance de l'intrigue nous...

le 25 janv. 2013

17 j'aime

5

Du même critique

Le Beau Serge
abarguillet
7

Critique de Le Beau Serge par abarguillet

Grâce à un petit héritage personnel, Claude Chabrol, alors jeune critique aux Cahiers du cinéma, produit lui-même son premier film, réalisé avec le concours efficace d'une bande de copains réunie...

le 6 juil. 2013

15 j'aime

1

Plein soleil
abarguillet
9

Critique de Plein soleil par abarguillet

Tom Ripley ( Alain Delon ) a été chargé par un riche industriel américain, Greanleaf, d'aller chercher son fils Philippe ( Maurice Ronet ) en Italie, où il mène une vie oisive en compagnie de Marge (...

le 25 mai 2013

13 j'aime

1

Mort à Venise
abarguillet
10

Critique de Mort à Venise par abarguillet

Mort à Venise, film lumineux et complexe est, sans nul doute, l'un des plus grands chefs d'oeuvre du 7e Art. Inspiré d'un roman de l'écrivain Thomas Mann, lui-même influencé par la philosophie...

le 25 juin 2013

13 j'aime

1