Le roman épistolaire de De Laclos, que l’on pourrait croire inadaptable en l’état car trop complexe trouve preneur. Trouver un tel équilibre entre relecture, peinture romantico-perverse, et confusion des sentiments, faut arriver à le faire. Il est servi par des acteurs au top de leur forme, Frears, un jeu de haut niveau, et surtout un John Malkovitch, et une Glenn Close dans leurs meilleurs rôles.
Des seconds rôles inconnus bientôt reconnus, (Thurman, Pfeifer, Reeves), un décor d’époque, on s’y croirait; soin dans le détail, les costumes, un cadre architectural de rêve, un véritable tableau à l’ancienne, et c’est primordial car c’est tout ce luxe qui sauve la face de cette haute société qui est très pauvre, et moralement, et affectivement.
Les dialogues par contre sont très modernes, voire actuels, le côté précieux de la littérature mêlé à notre langage actuel rend les personnages proche de nous, et les révèle moins nobles que peut le laisser penser leur condition. Des fauves, des vicieux déguisés en âmes galantes, qui jouent à se trahir l’un l’autre, tous contrôlés par leurs pulsions, ou qui cherchent à les dissimuler par convention sociale, pourris par leur oisiveté, manigances et compagnie, qui s’entredévorent et se réconcilient.
On a un drame psychologique d’époque de haut niveau, à tous les plans. Frears arrive à une mise en scène où tout semble se faire tout seul, certains plans sont des pas de danse, d’autres de vraies joutes psychologiques. Tout montre une superbe adaptation, car l’œuvre est revisitée pas copiée à la lettre, (ce qui de toute façon est impossible, n’en déplaise aux puristes). Et le dernier plan est d’anthologie, comme si la marquise après l’humiliation qu’elle vient de subir, décide de se retirer de la scène, peut-être pour toujours et retire son « masque », et enlève son maquillage. Bravo !