Je trouve que Robert Siodmak fut un génie et qu'il est gravement sous-estimé. Je ne serais jamais tombé sur lui et sa filmographie pour le moins éclectique, dont il me reste encore la grande majorité à explorer, si je n'avais pas été sur Senscritique. On cite souvent Howard Hawks, John Huston, Fritz Lang, Orson Welles ou encore Otto Preminger comme les maîtres du film noir, et à raison, mais pour moi Robert Siodmak est également un maître incontesté, véritable virtuose de la mise en scène et de l'Ombre avec un grand O.


Phantom Lady, ou plus connu sous l'affligeant titre Les mains qui tuent en France, est le premier film noir du réalisateur, fraîchement débarqué à Hollywood à cette époque. Bien qu'il rompe avec quelques codes fondamentaux du noir qui seront assez évidents au visionnage, force est de constater que Phantom Lady est un excellent film noir avec un bon scénario, qui, quoique parfois un peu facile sur les bords, demeure très efficace et tient le spectateur en haleine jusqu'au bout : un homme se retrouve seul dans un bar avec deux tickets pour un concert, sa compagne lui ayant fait faux bon. Il rencontre une autre femme à qui il propose de l'accompagner. Ils se quittent sans s'échanger leurs identités. L'homme rentre chez lui et trouve sa femme assassinée et les inspecteurs de police déjà sur place. N'ayant aucun alibi, il est le coupable parfait.


Hors du scénario, ceci dit, la force de Phantom Lady c'est sa mise en scène spectaculaire, ses plans absolument somptueux utilisant à certains moments l'angle néerlandais à bon escient, ses clairs-obscurs vraiment divins aux ombres très noires, et surtout son héroïne absolument délicieuse ; Carol Richman, alias Kansas, campée par la divine Ella Raines, tout simplement radieuse de beauté et d'élégance et qui joue merveilleusement bien. Intelligente, extrêmement déterminée et profondément humaine, c'est elle qui va mener l'enquête pour prouver à tous que son patron n'est pas un assassin.


Le film n'est pas un whodunit classique et l'identité du véritable tueur est révélée au spectateur à peu près vers la moitié du film. Il n'empêche que malgré, ou grâce à cette révélation, la tension reste très vive et est presque exacerbée. L'atmosphère du film est extrêmement réussie et menée d'une main de maître, happant subtilement le spectateur dans cette ville noire et son monde nocturne sans jamais tomber dans l'exagération. Les décors sont très réels et on a véritablement l'impression de se trouver aux côtés de la belle Kansas dans son enquête, qui va lui donner l'occasion de rencontrer des personnages hauts en couleurs, comme l'inspecteur Burgess campé par Thomas Gomez (Key Largo) en passant par le batteur Cliff Milburn joué par l'habitué du film noir Elisha Cook Jr. (The Maltese Falcon, The Big Sleep) pour bien évidemment tomber sur le tueur lui même qui est absolument truculent, particulièrement menaçant et convainquant.


Les seuls points noirs du film sont une résolution un peu trop rapide (bien que la fin en elle-même soit vraiment bonne) et comme dit plus haut, un scénario parfois un peu facile quand on y repense. Ceci dit Phantom Lady est clairement un de mes films noir préférés, au même titre que The Big Sleep, The Third Man, Double Indemnity, The Killers du même réalisateur, ou le chef d'œuvre Laura. Une vraie pépite malheureusement trop méconnue et sous-évaluée, qui montre que Robert Siodmak est un grand et qu'il le prouvera encore avec ses autres films de genre quelques années plus tard.

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le 20 déc. 2016

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skacky

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