"Les malheurs de Sophie" fera partie de ces films dont j'aurai très envie de voir un making-of. Pourquoi ? Non pas pour voir le génie à l’œuvre, malheureusement, mais pour d'avantage comprendre les échecs.
Car oui, ce film cumule les bourdes et il en serait presque un merveilleux cas d'école. Allez voir ce film, ouvrez grands vos yeux et vos oreilles, ne vous endormez pas; et vous aurez déjà de grandes leçons sur comment ne pas faire un film !


Le casting, la B.O, le montage. Tout est mis pour passer un mauvais moment...
Pour les enfants apparaît bien vite que l'on a seulement demandé à ces dernier de savoir répéter leur texte. Les enfants regardent ailleurs, s'amusent d'autres choses et récitent comme une poésie en classe sans donner une once d'âme à leur personnage. Mention spéciale à la petite marguerite qui sautille dans un couloir tout en demandant si sa mère n'est pas morte. Quand même. On ne gardera d'eux que quelques moments sans doute improvisés où on les voit s'amuser entre eux, seuls passages qui donnent un peu de vrai dans leurs performance, et la bouille de la petite Sophie qui a au moins pour elle d'avoir un visage vraiment malicieux.
Pour les adultes ça ne fait pas moins mal car pratiquement aucun ne se donnent la peine de mettre plus de vie dans leur texte que ne le font les plus jeunes. Le tout est d'une mollesse effroyable, comme un monstre amorphe qui demande la grâce.


Le montage ne vient pas rattraper cet état et creuse même plus encore le trou. Christophe Honoré ne semble pas se poser de question et juste poser sa caméra ça et là comme un simple technicien. Les rares bonnes idées ne le paraissent sans doute ainsi que par contraste avec le reste.
Je retiens par exemple cette bêtise de Sophie, lorsqu'elle vole sa mère, que le réalisateur choisit de n'éclairer que très légèrement, donnant ainsi le pastiche d'une scène d'infiltration. Intéressant, vraiment, mais sans doute pas si extraordinaire avec le recul.
Je retiens également cette utilisation de véritable dessin animé pour faire intervenir des animaux. Il fallait l'oser et le résultat n'est pas sans titiller d'avantage l'imaginaire et l'enfant qui est en nous. D'autant plus intéressant pour moi que nous voyons justement une utilisation abusive des images de synthèses se voulant réalistes pour mettre des bêtes à l'écran dans les films de nos jours : le parti pris ici ne m'aura pas semblé sans s'en moquer un peu. Dommage de ne pas avoir usé du procédé pour toutes les bêtes.
On regrettera aussi des acteurs qui cassent le quatrième mur pour faire office de voix-off ou encore des musiques non seulement déroutantes au vue de l’œuvre adaptée mais surtout hors sujets au vue des scènes qu'elles accompagnent. Les rares moment où cela colle se comptent sans doute sur les doigts. Une playlist en aléatoire sur le lecteur Windows n'aurait pas forcément fait pire.


Reste le travail à l'écriture, qui fait la part belle aux bêtises légendaires de la petite sans toujours donner l'importance émotionnelle de ses aventures. Sa maman la punit un peu, sa bonne lui fait la tête et puis on a madame de Feccini, aussi mais non, le but de ce film n'était pas dans l'émotion. D'ailleurs les moments les plus forts de cette histoire : la perte de la mère durant le naufrage suivi du décès du père aux États-Unis feront l'objet d'une ellipse providentielle (et d'une voix-off par Anaïs Demoustier, histoire de placer quand même les éléments pour donner la suite). J'ai du mal à comprendre cette amputation sur un film qui dure déjà 1h46 en accumulant beaucoup de scènes dans la répétition (Sophie fait des bêtises, des bêtises, des bêtises...). Était-ce pour en préserver nos petites têtes blondes ? Christophe Honoré se serait-il montré si puritain ? Ha bah non puisque la scène suivante met en image un accident de carrosse dont l'occupante sera couverte de sang... Ce choix n'aura sans doute valu que pour ne pas faire durer un film qui pouvait déjà être long sans ces sujets à traiter mais je ne peux m'empêcher de croire que d'autres solutions auraient pu être trouvées.
D'autant que l'ellipse survient en faisant chanter la mère de Sophie.. que l'on venait de nous montrer aphone.
Merci Christophe Honoré d'avouer si ostentatoirement que vous n'en aviez rien à faire.
Et ce ne sera pas la seule incohérence remarquable (on pourrait parler ici de lac gelé, de saisons,...), enfin bref.


Tout finit par pousser à ce constat : le problème ne vient pas de l'équipe technique ni du casting. Les enfants ont de bonnes bouilles mais sont mauvais, les adultes le sont tout autant et ne parlons pas du reste. Mais le problème ne vient pas de là, il vient sans doute d'avantage de son réalisateur. La gosse regarde ailleurs ? Oui mais elle dit son texte ? Ok, on la garde ! C'est dur de tourner avec des enfants, c'était peut-être un projet trop ambitieux pour le réalisateurs de "Les chansons d'amour" (2007) qui a peut-être bien laissé tomber l'éponge à un moment donné, mais pour affirmer ça, il faudrait vraiment que je vois un making of.


Je salue quand même les prestations d'Anaïs Demoustier, Marlene Saladana et de Muriel Robin qui, surtout pour la dernière, donnent un peu plus d'attraits au film.

Jonathan_TJo
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le 11 mai 2016

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Jonathan TJo

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