Le cinéma français comme je l'aime. Fort. Percutant. Dénonçant des situations quotidiennes insupportables. Les Misérables de Ladj Ly est de cette veine de films. Les films qui marquent.


Le film maintient un rythme soutenu avec des scènes où la tension monte vite pour se relâcher d’un coup, aussi vite qu’elle est montée.
Et pourtant, la tension monte petit à petit. On sent que tous les personnages sont sur la crète du ravin et qu’ils peuvent basculer à tout instant. C’est une des qualités du film : montrer cette violence permanente qui existe dans cette cité et entre tous ces habitants, y compris avec les policiers.


Les scènes de violence sont très réalistes et bien filmées. Nous sommes dans les escaliers avec les jeunes et les policiers pour la très longue scène de la fin. Le fait qu'il n'y ait aucune musique d'ambiance et que ce soit parfois filmé comme avec la caméra à l’épaule ajoute du réalisme au film. Nous sommes nous aussi avec tous ces personnages, dans ce bocal surchauffé.
D'ailleurs, Les Misérables m’a fait penser à Do The Right Thing. Ce très bon film de Spike Lee se passe dans un quartier de Brooklyn où plusieurs communautés se côtoient sans jamais se mélanger. Les tensions sont présentes mais elles ne se concrétisent pas. Tout au long du film elles vont monter jusqu'à exploser dans un déferlement de violence. Avec ce passage à l'acte rien ne sera plus comme avant. Tout comme dans Les Misérables où le passage à l'acte des jeunes, d’abord victimes ensuite bourreaux, montre leur prise de pouvoir sur les anciens qui sont jugés corrompus et trop mous.


Dans Les Misérables, il n'y a pas les bons d'un côté et les méchants de l'autre. Tous les protagonistes sont gris. Les jeunes de la cité, les anciens, les flics et même les gitans sont à la fois bourreaux et victimes. Les personnages sont prisonniers dans cette cité dont ils ne sortent jamais comme le souligne un jeune au début du film qui est étonné par le fait que son copain n'a jamais vu la tour Eiffel.
Dans ce bocal se côtoient des flics dépassés par la situation, des jeunes qui n'ont pas d'avenir et des anciens qui survivent grâce à de petites magouilles. Enfin il y a les religieux, les Musulmans, qui essaient de tenir la cité et d'amener les jeunes vers la religion.


J'avais vu il y a quelques semaines déjà le film de Kery James Banlieusards. J'avais bien aimé même si j'avais trouvé le discours un peu simpliste et attendu. Le film Les Misérables est nettement au-dessus. Cependant, il y a des similitudes entre les deux films, notamment les personnages féminins. Ils sont quasiment absents. Je parle des personnages des banlieues car dans Banlieusards, un des personnages principaux est une femme. Mais justement, elle ne vient pas de la banlieue.


Un dernier mot sur le début et la fin du film qui sont comme un miroir inversé. Le début nous montre ces jeunes de Montfermeil arborant des drapeaux français, chantant La Marseillaise. Ils sont joyeux, tout sourire. Ils se promènent dans les rues de Paris en se mélangeant aux autres supporters.
La fin nous montre ces mêmes jeunes, notamment Issa, mais cette fois il tient un cocktail molotov à la main et non un drapeau. Ce cocktail, il s’apprête à le lancer sur la police, cette autorité qui a perdu toute légitimité. Son visage est déformé par le coup qu’il a reçu. Le cadre est sombre et glauque. Tout un monde sépare ce début et cette fin. Le contraste des deux situations est saisissant. Entre ces deux scènes, il y a l’histoire des Misérables. De cette lente, longue mais inéluctable descente dans la violence, dans le désespoir.
La citation de fin du film qui est extraite des Misérables de Victor Hugo semble dire qu’il n’y a pas de mauvais jeune, ni de mauvais flic, mais un Etat qui laisse la situation se dégrader depuis de si nombreuses années.

DavidLozano
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le 26 nov. 2019

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