Lâcheté et mensonges
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Le film est doué d'un sens du rythme puissant, d'un jeu d'acteur dont la qualité est indéniable. Outre les personnages peut-être un tantinet stéréotypés (les bons flics, le flic mégalo avide de pouvoir, le maire hautement caricatural là aussi et les mafieux en herbe disséminés ça et là), le film reste d'un réalisme saisissant et, osons le mot, haletant. Les partis pris filmiques et scéniques sont intéressants. On voit autant la misère de la banlieue que ses politiciens et divers acteurs corrompus, la jeunesse en manque d'idéal et les conflits, gangrènes de la vie en cité. Le rythme est effectivement prenant et très marqué, l'action est au rendez-vous : on est vite saisis, et embarqués dans ce pêle-mêle de violence, pétris par des interrogations éthiques, attachés à ce qui apparaît être le personnage principal qui a toutes les qualités du gentil héros. L'intrigue avance très vite, la tension monte à une vitesse fulgurante ; et cette sorte de catabase tragique s'achève sur une terrible ambiguité, de l'ordre de la trahison pour un spectateur qui doit alors faire face seul à ses propres peurs, interrogations et projections : que faire ? L'amoncellement de la terreur amenait inéluctablement à cette scène finale qu'on a un temps cru pouvoir éviter, et nous voilà pendus à cet instant où la victime peut devenir bourreau, où tout peut basculer en quelques secondes, secondes qui nous laissent sur notre fin, nous invitent à prendre un parti, ce que jusqu'ici le film s'était plutôt gardé de faire, arguant autant en faveur des gamins de banlieue soumis au règne impitoyable de la violence qu'aux difficiles conditions d'une bac qui n'a d'autre choix que l'intransigeance. Et ainsi nous touchons du doigt le questionnement principal du film, de son intrigue léchée, de ces maudites dernière secondes aporétiques : qui faut-il condamner, le bourreau, la victime ? Qui est qui dans cette histoire ? Ce à quoi répondent directement sur fond noir les terribles aphorismes hugoliens : « Mes amis, retenez ceci, il n'y a ni mauvaises herbes ni mauvais hommes. Il n'y a que de mauvais cultivateurs »... Mais alors que penser ? Je n'ai pas su, au sortir de la salle, ce qu'il fallait en retenir, ni quel parti prendre. Mais j'ai été happée penndant les dernières minutes par un tel sursaut de violence, indéniablement subjuguée, aussi terrorisée que fascinée sur mon siège par la brutale et difficile réalité humaine, très bien rendue cinématographiquement. Mais que faut-il en conclure ? Que la violence est, comme semble s'évertuer à le montrer chaque minute du film, inéluctable, fatidique — la sempiternelle violence des banlieues ? Ce qui est certain, c'est que l'oeuvre a le mérite de poser ces questions humaines de manière juste. L'intertexte hugolien marche bien — on appréciera Issa en petit gavroche, « tombé par terre » par sa « faute ». Une grande oeuvre ? Je ne sais pas. Une oeuvre qui a du mérite, c'est certain, et au moins l'originalité de montrer beaucoup avec très peu, de toucher à une palette complète d'émotions diverses et de réussir à faire passer un spectateur passif en un seul juge de ce qui, au-delà d'une quelconque dichotomie bien/mal, a des facteurs et des déterminismes multiples, dans lesquels comme le personnage principal nous nous retrouvons plongés, dans l'insoutenable ébranlement de notre innocence.
Créée
le 16 déc. 2019
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