Ce film, au-delà d'être un excellent drame social, est d'une construction scénaristique d'un très haut niveau. Pas seulement dans le brossage de chaque personnage fait avec finesse, ou encore pour la trame de l'histoire bien amenée, mais surtout pour sa grande richesse allégorique.


Tout d'abord, l'intrigue du film démarre avec le vol d'un jeune lion. Le lion peut symboliser la force, mais pris dans un contexte d'histoire française, il était le symbole des rois de France où il incarnait la qualité royale par excellence : la justice.


Or, que constate-t-on avec ce lion ? Il est enfermé dans une cage, apprivoisé aux biberons et aux coups de fouet. Ce n'est pas un lion, c'est un lionceau.


Ainsi, si l'on garde en tête que le lion symbolise la justice, et que dans ce film la justice est sans force, alors on est amené au point suivant : " La justice sans la force est impuissante, la force sans la justice est tyrannique " (Blaise Pascal, Pensées)


Nous en arrivons donc au passage sur la Police. Ici, l'équipe de policiers est représentée dans le film comme la force sans la justice. Chris le répétera à juste titre plusieurs fois : " on ne s'excuse de rien ".


Donc, si le pardon ne peut être envisagé comme réponse à la Justice, il ne reste alors qu'une seule issue, la vengeance. D'ailleurs, le mot vengeance étymologiquement vient du latin vindicare et signifie " réclamer en justice ".


Le film est donc une éternelle histoire de vengeance. D'abord la menace de vengeance pour le lion volé, ensuite la vengeance pour la bavure policière qui s'ensuivra.
Nous en revenons ainsi à l'une des plus anciennes des lois existantes, la loi du Talion : " œil pour œil, dent pour dent ".


Et c'est justement un coup à l'œil qui a été porté au jeune Issa. Remarque intéressante : un des policiers -Chris- durant la scène finale est lui aussi blessé à l'œil.


Le film selon moi est construit à merveille car son mécanisme dépeint l'engrenage implacable de la vengeance. Il conviendrait à cette occasion de souligner un autre aspect technique du film qui rajoute à sa force : les plans. Souvent filmés de haut ou très bas, ils donnent un rendu d'enfermement, d'absence d'espoir. Le béton est omniprésent. On regarde le sol. On n'aborde la question du ciel -donc de Dieu- seulement pour parler du djihad, des fichés S.
Et le seul moment où l'on lève la tête, ce n'est pas pour regarder le ciel, c'est pour regarder un drone, dernier témoin ce que font ici-bas les hommes.


Bien sûr, le message principal du film est un grand point d'interrogation sur l'avenir d'enfants élevés dans la violence, livrés à eux-mêmes et sans espoir. Mais je voulais également apporter d'autres pistes de lecture.

Goms
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le 5 janv. 2020

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