L'exercice qui consiste à raconter un drame, à dresser le constat d'une situation de tension sociale extrême sans tomber dans le cliché larmoyant ou moralisateur est éminemment complexe. On ne compte pas les films qui se sont vautrés, stimatisant l'une ou l'autre population pour essayer de démontrer que les mécanismes de l'oppression se situent dans des causes externes au système (soient la drogue, la prostitution..) ou propres à la nature profonde de leurs personnages, soient éminement mauvais, soit des martyrs dont le parcours doit réveiller 2000 ans de christianisme. Or, dans ce film de Ladj Ly, tout n'est que finesse. Quelques coups de crayons suffisent à ajouter une nuance de profondeur à un personnage qu'on pensait avoir totalement cerné, classé dans un archétype. La cité, ce labyrinthe au bord de l'effondrement, devient progressivement étouffante, jusqu'à sa résolution à la fois cathartique et tragique. Ce n'est jamais beau, mais c'est toujours juste. Les acteurs ont beau parfois montrer des limites d'interprétation, ils ne sont jamais ridicules ou hors de propos. Après Parasite, c'est certainement LE film de 2019 qui parle le mieux de notre décénie.
Créée
le 15 janv. 2020
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