La Banlieue, la Cité ou les quartiers populaires, semblent être un sujet bien compris des politiques et citoyens téléphages, qui sont bien souvent les mêmes que ceux employant ces termes erronés.
Ici, dans la Cité, l'herbe est toujours moins verte qu'ailleurs : ségrégative, enclavante, handicapante et paralysante. Pourquoi ? Parce que l'Enfer c'est les autres, que l'on soit #TeamBrigade ou #TeamRésidents paraît-il.


Puis en surcroît, le cinéma peut venir nourrir la thématique d'intéressantes nuances, comme le fait Ladj Ly. Tantôt quasi-cas d'école marxiste, tantôt laboratoire sociologique et artistique à ciel ouvert, les quartiers paupérisés stimulent la créativité comme le pire traumatisme inspirerait le meilleur des romanciers. A juste titre, d'autres œuvres peuvent être mentionnées tels que le récent Shéhérazade (Jean-Bernard Marlin) ou bien les populaires La Haine (Mathieu Kassovitz) et La Cité de Dieu (Fernando Meirelles, Kátia Lund).


Dans Les Misérables, Ladj Ly s'écarte du procédé biographique et du focus narratif autour d'un personnage central. Le réalisateur semble vouloir prendre de la hauteur et y dépeindre le spectre de la souffrance dans les quartiers paupérisés. Il y met les mots (peut-être pas assez). Il y met surtout la forme : les plans aériens des drones en témoigne.


En bref. Dans la Cité, l'Enfer ce n'est pas les autres, ni la #TeamBrigade, ni la #TeamRésidents, ni les deux d'ailleurs. Et même que les gentils et les méchants il y en a dans toutes les catégories et classes sociales, dixit Captain Obvious.
En substance, le Quartier-maître expert en subtilité rajoutera que l'Enfer est la Cité, dans sa géographie, son architecture, sa condition sociétale et sa considération socio-culturelle.
Cette Cité est un hôte au profil de super organisme complexe et immuable. Ses victimes ne sont que des parasites qui tels de petites larves affamées et agglutinées, s'agrippent désespérément aux grands immeubles encaissés et détériorés constituant le quartier.


En conclusion on comprend que les personnages décrits dans le film de Ly ne sont que pauvres proies agonisantes condamnées à vivre au dépens de leur hôte qu'est la Cité. La brigade, les policiers, les mafieux et délinquants se donnent au mieux une image de puissants dominants afin de prétendre le contraire ; et évitant en passant de se faire cannibaliser par les congénères les plus gorgés de sang. Le récit du film dénote au moins cette fatalité.


Enfin et pour clôturer gracieusement son film, Ly substitue l'image filmique à une référence littéraire assez évidente. La démarche est intelligente. Puis peut-être cela puisse t-il donner davantage de prestige à une thématique qui d'ordinaire prend les traits d'émissions anxiogènes et vulgarisées.


Il sera toujours possible de revenir sur la simplicité d'écriture et la légèreté narrative du film, mais malgré cela, Les Misérables est un immanquable du cinéma français.

Jordan_Michael
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le 22 mars 2020

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