"Mais dites-moi, ma chère... Un cœur qui a cessé de battre peut-il encore se briser ?"

Aujourd'hui, j'ai envie de vous raconter une petite histoire.


Il était une fois, dans un des rayons d'un supermarché d'Auxerre (oui bah vous m'excuserez si toutes les histoires commencent pas dans un château rose bonbon ou dans une clairière enchantée...), une petite fille à laquelle ses parents avaient promis l'achat d'un DVD. Toute contente, la gamine traîne ces derniers jusqu'au rayon multimédias.
"Bon...Tu vas choisir quoi ? Un Xième DVD avec une princesse dedans, un Disney avec des animaux, un truc comme ça ?"
La petite fille se dirigea alors sans surprise vers les dessins animés et les films d'animation mais choisit non pas un de ces coffrets rose pailleté comme l'auraient sans doute fait 90% des fillettes de son âge mais un coffret noir sur lequel un homme maigre et blafard tenait la main d'une femme au teint bleuté visiblement morte comme le laissait prédire l'un de ses bras ainsi qu'une de ses jambes qui n'étaient plus que des assemblages d'os.
"Euh...t'es sûre de toi, là ? Tu préfères pas Barbie, plutôt ?
- Non, celui-là me plaît", répondit la petite avec un large sourire.
Après s'être inquiétés un temps sur la santé mentale de leur progéniture, les parents n'eurent pas d'autre choix que de passer à la caisse avec ledit boitier.


Bon bah comme vous l'aviez sans doute deviné, la gamine, c'était moi.
Et j'aime mieux vous dire qu'à cet âge là, ce genre de choix laisse par la suite place à quelques nuits blanches que suivront des pointillés de sommeil parsemés de cauchemars un peu glauques pour une petite fille.
Cependant, de la terreur à la fascination, il n'y a parfois qu'un pas. C'est sans doute la raison pour laquelle ce film m'a laissé une empreinte indélébile (dans le bon sens du terme) et que je le regarde encore régulièrement à maintenant 21 ans.


"Mais...Pourquoi donc ?", me direz-vous. J'y viens.


Commençons par l'histoire. Les Noces Funèbres, de 2005, nous raconte l'histoire de l'union de 2 familles dans un village anglais du 19ème siècle. D'un côté, les Van Dort, couple de poissonniers nouveaux riches, hautains, ambitieux et têtes à claques et fort heureusement, leur fils Victor, grand gaillard maigre, froussard et maladroit, ne leur ressemble pas. Il est même à l'opposé total de ses parents qui courent après la renommée et le prestige que pourrait leur apporter ce mariage arrangé.
De l'autre côté, les Everglot, sont encore plus odieux. Issus d'une famille de l'aristocratie britannique, ces derniers n'ont plus un sou en poche et comptent bien sur ce mariage qui les dégoûte un peu pour redonner un tantinet d'éclat à leur nom de famille en renflouant les caisses. Ils ne s'aiment pas, ne se sont jamais aimé, pas plus qu'ils n'aiment leur fille Victoria qu'ils qualifient de "loutre déprimée". Eh bah... Sympa... Ils ont bien de la chance qu'elle soit docile, la petite. Et là, au moment où Victor et Victoria se rencontrent : MIRACLE, ils se plaisent ! Arrive alors la répétition du mariage qui se passe de manière assez catastrophique (c'est peu dire) et où Victor enflamme par mégarde la robe de sa future belle-mère. Ambiance, donc. Après ce menu problème technique, Victorinou s'enfuit à toutes jambes dans la forêt (tu m'étonnes), où il se rejoue la scène tout seul (schizophrénie, donc) mais où cette fois-ci, il gère son dicours à la perfection (Boulet.). Sauf que TADAM, la branche sur laquelle il a enfilé l'alliance est en fait le doigt d'une charmante décédée (calcule la probabilité de chances que ça arrive dans une forêt de 25 hectares...). Victor se retrouve donc transporté 6 pieds sous terre dans le monde des morts avec sa nouvelle épouse. Voilà pour l'histoire. Ouais c'est perché mais bon, c'est Burton.


Si vous avez déjà lu une de mes critiques ou si vous me connaissez en vrai, vous savez probablement que j'ai un penchant pour les films sombres à la Tim Burton. Bah on est pile dedans. Et en stop-motion, qui plus est.
Le pied !
Et du coup bah ça me donne envie de parler un peu du coco.


Ce gars-là, j'ai l'impression que soit on l'aime, soit on peut pas le blairer. J'ai très rarement entendu des gens dire qu'ils "aimaient moyennement l'univers de Burton". Chose qui se comprend. J'avoue qu'il faut avoir un humour assez noir et une conception de l'esthétisme peut-être un peu spéciale pour apprécier. Il faut dire aussi que le bonhomme a réussi à créer en quelques films un véritable univers autour de son nom qui peut être selon les films à la fois drôle, macabre, léger mais aussi d'un esthétique assez fou autant au niveau des décors que des personnages, si bien que si on fait bien attention à chacun de ses films, ces univers distincts se rejoignent tous un peu. Burton est friand des références et aime en placer un peu partout. On pourra ainsi reconnaître certains éléments de ses anciens films dans de nouvelles œuvres (par exemple l'arbre tordu si reconnaissable qu'il utilisera dans Sleepy Hollow ainsi que dans Alice au Pays des Merveilles ou la présence éclair d'une petite tête de Jack Skellington dans Beetlejuice). Beaucoup de choses sont ainsi réutilisées d'un film à l'autre comme s'il recyclait certains éléments dont il est fier ou qui lui sont particulièrement chers. Ainsi, il recyclera sont travail dans la manipulation des lignes (Beetlejuice, L'Etrange Noel de Monsieur Jack, Vincent...), il recyclera son pote compositeur Danny Elfman, il recyclera BEAUCOUP d'acteurs, de Johnny Depp à son ex femme Helena Bonham Carter avec lesquels il a de très nombreuses collaborations à son actifs (et Les Noces Funèbres en fait partie) en passant par Alan Rickman (Sweeney Todd, Alice au Pays des Merveilles), Eva Green (Dark Shadows, Miss Peregrine et les enfants particuliers) ou encore Michael Keaton (Batman, Beetlejuice...) et Winona Ryder (Beetlejuice, Edward aux mains d'argent...) et j'en passe. Mais il ne s'arrêta pas là. Un autre de ses éléments de prédilection sera le stop-motion qu'il réutilisera le plus souvent possible (L'Etrange Noel de Monsieur Jack, Les Noces Funèbres, Miss Peregrine et les enfants particuliers, Frankenweenie...) et le style si reconnaissable de ses personnages avec leurs grands yeux, leur teint livide, leur maigreur caractéristique et leurs membres disproportionnés. Quand ça le prend, Burton aime aussi beaucoup jouer sur la dualité et sur les effets de miroir, si bien que l'on se retrouve souvent dans ses films avec deux univers opposés l'un à l'autre par les couleurs ou la mentalité des personnages par exemple et entre lesquels le personnage principal hésite parfois (Les Noces Funèbres avec la vie et la mort, L'Etrange Noel de Monsieur Jack avec Noel et Halloween ou encore Miss Peregrine et les enfants particuliers avec le passé et le présent). C'est donc le cas ici où Burton jouera énormément sur les effets de contraste entre les deux univers présents.
Quand les vivants sont ternes et lugubres, les morts, eux, sont pleins...de...vie...euh... Ouais bon, je me comprends.
Bref, du côté des vivants, on a des visages maigres, maladifs, tristes, gris, on ne rit pas, on se force à sourire et on se contente de survivre. On a même pas le droit de jouer de la musique parce que ça implique "trop de passion". On est seulement animé par un besoin de s'enrichir par n'importe quel moyen (certains par l'argent et d'autres par le prestige). Le tout étant accompagné d'une musique appropriée, triste et néamoins romantique et par des décors de rues pavées grises sous un ciel sombre qui nous plongent dans une ambiance de profonde mélancolie. Une des seules touches de réelles couleurs qui nous est apportées de ce côté est celle d'un papillon bleu que Victor dessine dans l'ouverture du film et qui nous sera rappelé plus tard comme étant un symbole de mort.
Chez les morts, le côté matérialiste a disparu. On rit, on fait la fête, on danse, on chante, on boit, on s'aime, on est en "bonne santé", on ne se lamente pas, les décors sont colorés, fantaisistes, on joue de la musique comme on veut, et on est très loin de la musique tristoune des vivants, c'est trop bien ! Ça donne presque envie en fait... Mais, je rêve ou Burton essaye de pousser son public au suicide ?! Merde...
Tout ça pour dire qu'on retrouve dans ce film une construction en miroir parfaitement maîtrisée qui nous met parfaitement dans ces deux ambiances et on a presque envie que Victor ne retourne jamais dans le monde des vivants.


Concernant les personnages, le trio principal est entouré d'une panoplie assez large de personnages secondaires plus ou moins importants et présents à l'écran.
Il est composé de :
- Victor est grand, brun et maladroit comme je le disais plus tôt. Il se révélera cependant plus sérieux et déterminé vers la fin du film qu'il n'était indécis au commencement. Il prend une réelle profondeur et deviendra au fur et à mesure quelqu'un de loyal et intelligent. Le stop-motion lui va également très bien, comme c'était le cas pour Jack.
- Emily, la défunte, est en quelques sortes la femme parfaite. Elle le serait en tout cas si elle était vivante. Elle est douce, drôle, gentille, généreuse et joyeuse. De plus, elle était très certainement magnifique de son vivant (on nous dit au cours d'une chanson "c'était la plus belle à des kilomètres à la ronde").
- Victoria est très gentille, mais genre le "très gentille" que tu utilises en parlant d'une fille un peu conne qui sert pas à grand chose, tu sais, genre "Bah elle est gentille, quoi". Bah Victoria, c'est pareil. Elle sert pas à grand chose. Elle est bien douce, bien gentille et bien gnangnante mais pas fun pour un sou. Elle est un peu chiante, quoi. L'inverse d'Emily. Autant dire que Victor s'éclaterait sans doute bien plus avec le cadavre.
Concernant les personnages secondaires, ça peut aller des parents hautains aux beaux-parents antipathiques en passant par le cocher souffre-douleur et malchanceux de la famille Van Dort, chez les vivants.
Pour les morts, ils vont du petit chien mort adorable Scraps jusqu'aux enfants et à la caricature naine de Napoléon Bonaparte en passant par le squelette jazzman. Du beau monde avec lequel on se marre bien avec sa choppe de poison à la main, même s'ils sont sous terre !


Tout ça pour dire que Burton nos offre une nouvelle fois une vraie pépite de l'animation et de l'humour macabre aussi fun que funèbre, à voir et à revoir jusqu'à ce que mort s'ensuive.

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le 5 nov. 2016

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Ann - Aël

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