Au-delà des apparences, Gillian Armstrong ne brille pas dans le milieu, mais il y a de quoi débattre sur sa relecture des “Quatre Filles du Docteur March”. Après trois tentatives recommandables, la cinéaste australienne nous ramène dans les écrits de Louisa May Alcott, sur un ton très poétique. Le scénario est poussé intelligemment vers le développement de Jo (Winona Ryder) et son rapport aux hommes. Bien entendu, la trame ne change en rien, mais cette histoire, si simple et si généreuse, possède une certaine âme qui évolue avec son temps. Le film avance à un rythme souple et élégant, avec des intentions novatrices pour un roman, dont il n’y a plus rien à cacher. Pourtant, le discours intimiste passe mieux, malgré le manque d’artifice et c’est là où la beauté s’empare de l’écran.


Jo est toujours aussi sauvage et rebelle, mais protectrice envers ses sœurs et toute sa famille. Mais ce combat possède ses limites, qu’elle rencontre en la personne de Laurie (Christian Bale). Ses deux êtres sont des passionnés des sentiments, mais ne les exploitent pas de la même façon, mais surtout pas dans la même direction, ce qui soulève bien des tragédies. En découvrant leur visage, nous comprenons à quel point ils se cantonnent à exprimer leur affection l’un pour l’autre, sans jamais rien demander en retour. Leur relation semble être un peu plus conséquent que dans le passé, car on nuance ce qu’il faut de l’agressivité de Jo. Elle n’est qu’une jeune femme qui cherche ses marques, ainsi que l’amour, qui lui échappe, au sens propre comme au sens figuré. L’approche est donc plus fluide et plus mature dans ce conte des plus vifs et des plus réalistes. Et c’est en creusant dans les mots et une certaine mise en scène envoûtante qu’on finit par trouver une réponse.


La réelle présence de Fritz (Gabriel Byrne) compte énormément pour le personnage solitaire de Jo, qui affine ses pensées et ses maladresses afin d’en faire des armes de soutien et non d’attaque. La richesse de ses sentiments est justement fragmentée en la personne de ses proches, Meg (Trini Alvarado), Beth (Claire Danes), Amy (Kirsten Dunst) et sa mère (Susan Sarandon). Elle ne partage pas leur compétence, mais l’expérience dans toute une affaire de famille, qui se métamorphose en une affaire de condition humaine. Ce qui est dommage, c’est d’autant laisser la guerre de Sécession en arrière-plan, qui aurait pu contribuer à redorer un blason féminin qu’on aura beau anticipé dans un profond projet féministe, mais qui loupe le coche du rapport à la violence des hommes. Symboliquement, quelque chose de fort aurait pu alimenter ce discours, qui ne dément pas l’implication intimiste, mais l’ouverture manque de visibilité, sans que l’on puisse en vouloir à l’auteur, qui s’est déjà battu pour son intégrité et sa dignité.


Bordé par une magnifique partition de Thomas Newman, ce nouvel essai transpire d’émotions, comme nous le verrons rarement dans un contexte où la femme doit rester au crochet d’un homme ou bien dans son ombre. L’absence d’une paternité souligne également le fait qu’il existe des responsabilités conséquentes au sein d’une famille qui ne vivent que de théâtre et de fantasme. Le film entretient honnêtement ce point et s’exprime brillamment au sujet de la place d’une femme dans un couple, une famille nombreuse ou une vie active loin d’être avantageuse. Mais nous sommes loin de l’embarras, car il est important de ne pas retenir une passion au risque qu’elle nous conditionne à une vision rectiligne. Il faut donc se donner les moyens d’écarter les barreaux pour changer de point de vue.

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le 20 janv. 2020

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