Les Sentiers de la Perdition, ou la définition même du film qui réussit là où beaucoup se seraient vautrés, il y a beaucoup de choses qui définissent la force d'un grand film, et qui le différencient d'une production lambda, sans un vrai auteur derrière une œuvre, tout peut parfois s'écrouler. Un récit au scénario faible, une réalisation sans idée, sans talent, un manque de budget, les raisons peuvent être nombreuses, et parfois, même si tous les outils nécessaires sont à disposition, tout peut encore être réduit à néant si le réalisateur n'a aucune idée de la façon de les utiliser.


Heureusement, Les Sentiers de la Perdition est un film derrière lequel se cache un vrai auteur.


En fait, ce film représente surtout l'archétype conceptuel du cinéma américain bien ficelé, parfait dans son écriture, fluide, jamais pompeux ou larmoyant malgré le thème abordé. Un film qui sonne surtout comme un très bel hommage aux classiques du film de gangsters de l'âge d'or d'Hollywood.


Le réalisateur Sam Mendes nous raconte habilement l'histoire de Mike Sullivan (Tom Hanks), un exécuteur de la mafia irlandaise travaillant pour le chef de clan John Rooney (Paul Newman) dans le début des années 1930. Rooney aime Sullivan comme son propre fils et semble d'ailleurs l'aimer plus que sa propre progéniture, Connor (Daniel Craig), un soir, l'un des fils de Sullivan, Michael Sullivan Jr. (Tyler Hoechlin), se cache dans la voiture de son père, pour découvrir la vérité sur ses activités. Hélas, il voit des choses qu'il n'était pas sensé voir, ce qui sera l’élément déclencheur d'une série d’événements dramatiques pour le père et son fils...


Il ne faut surtout pas faire l'erreur de penser à un film de gangsters classique après avoir lu ce synopsis. Au contraire, on tient là un merveilleux mélange de film de gangster, de buddy movie, et de biopic, le tout emballé soigneusement et finement présenté par Mendes, ainsi que son directeur photo Conrad Hall qui, pour la petite histoire, obtiendra un oscar pour son travail sur ce film. Dans ce film, pas ou peu de scènes violentes comme on pourrait en voir dans d'autres films de gangsters, tout est porté par une atmosphère froide et réaliste qui nous transporte littéralement dans ce monde hostile, presque irréel, mais pourtant plus vrai que nature, Mendes a réussi à capturer l'essence d'une époque, et tout ce qui en découle, de la mélancolie, de l'admiration pour ces personnages, qui certes, menaient une existence violente, âpre et immorale, mais font de toute manière partie de ceux qui ont façonné l'histoire du 20ème siècle.


Ce film est vraiment touchant de par le développement de ses personnages. Mendes parvient à capter des moments de grâce comme le duo de piano entre Hanks et Paul Newman, ou lorsque le fils de Sullivan découvre la vraie nature de ses activités. Hanks et Newman mènent ici un casting extrêmement talentueux, composé d'acteurs encore peu connus à l'époque comme Daniel Craig, Tyler Hoechlin, Stanley Tucci ou encore Anthony LaPaglia qui incarnait Al Capone, mais dont les scènes furent coupées au montage, à noter aussi une prestation intéressante de Jude Law dans un rôle de croque-mort déjanté, à mi-chemin entre le journaliste chasseur de scandale et Hitman, ou également la (trop courte) performance de Jennifer Jason Leigh en tant que femme de Sullivan. L'écriture de David Self adapte magistralement le roman graphique de Richard Piers Rayner, donnant aux personnages des lignes de dialogue savoureuses tout en injectant juste le bon mélange entre humour et sincérité dans cette histoire douloureuse. Pour couronner le tout, la bande-son de Thomas Newman souligne magnifiquement l'ambiance du film avec des thèmes absolument inoubliables (Quel générique d'entrée! On se prend une claque dès les premières secondes du film, sans parler de l'arrivée à Chicago, magistrale!) ainsi qu'une ambiance sonore tout à fait inspirée (La scène dans la maison au bord de la mer, avec le bruit des vagues pour seule musique, qui donne des frissons rien qu'en y repensant...).


Pour conclure, on tient certainement là un film qui réussit à presque tous les niveaux, et tout ce que l'on peut espérer après son visionnage, c'est que plus de gens se pencheront à l'avenir sur la filmographie de Sam Mendes, grâce à la notoriété qu'a pu lui apporter la réalisation des deux derniers volets de la saga James Bond notamment. Si ce n'est pas encore fait, lancez-vous Jarhead, American Beauty ou Les Noces Rebelles, qui sont tous des exemples de film qu'on ne voit pas tous les jours, et qui sont portés par un vrai artiste, un film comme Les Sentiers de la Perdition représente plus qu'un bon film, c'est une réelle promesse pour l'avenir du cinéma.

Schwitz
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le 25 oct. 2016

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