Celui qui n’a pas vu Les Temps Modernes n’a rien vu. Ou plutôt, il lui reste tout à voir. Chaplin y incarne son personnage fétiche, Charlot le vagabond naïf et candide. Celui-ci tente de survivre dans un monde dominé par la cupidité, la manipulation et l’exploitation des uns par les autres. Nous sommes dans l’Amérique aux prises avec les conséquences du krach boursier de 1929. Le chômage est un fléau social qui détruit les familles et touche les plus fragiles. Dans ce contexte, notre petit bonhomme essaie de trouver du boulot là où il peut. Toutes les scènes sont fabuleuses. Bien sûr, il y a le travail à l’usine montré comme aliénant, abrutissant. Charlot y est déshumanisé. Avalé littéralement par la machine, il en devient un rouage. Il perd l’esprit, ce qui le mènera en prison, lui l’innocence incarnée. On voit aussi la contestation des travailleurs miséreux, victimes d’un capitalisme ravageur. Mais la grande force du film tient aussi à son humour omniprésent. Il fonctionne encore à merveille (vu et approuvé par une bande d’ados) par le talent d’écriture et de comédien de Chaplin. Sans oublier l’émotion présente dès lors qu’apparaît le personnage de la jeune sauvageonne. Après avoir vu le film une dizaine de fois, je reste électrisé par le regard vif, mordant et plein d’espoir de Paulette Godard. L’histoire des deux tourtereaux est tout simplement magnifique parce que confrontée à une adversité à la fois réaliste et pleine de fatalité. On ne finira pas d’énumérer les raisons de voir ou revoir (encore et encore) ce chef d’œuvre absolu qui parvient au fil des visionnages à garder intacte l’émotion de la première fois. S’il ne doit en rester qu’un, ce doit être celui-là.