Le film nous saisi en premier lieu par sa beauté plastique : chaque plan est d'une beauté déchirante, crue, sauvage et pourtant si douce à la fois. La photographie sublime ainsi par des teintes bleutées, tout en nuances, ce paysage aux airs de paradis apocalyptique. Car la nature s'offre comme un spectacle de la destruction. Chaque relief, chaque bloc rocheux, chaque parcelle de verdure semble avoir été façonné au prix d'un lent chaos.


À cette sédimentation naturelle ou biblique, c'est selon, vient s'ajouter l'auto-destruction productrice des Hommes eux mêmes. Le squelette de ce monstre marin échoué sur la plage semble faire écho aux cadavres des bateaux gisant dans ce qui devait être un ancien port de pêche. L'homme ne saurait alors évoluer qu'en marchant sur ces propres ossements.


À l'image du personnage principal dont la raison d'être, à savoir son foyer (dont la maison est la magnifique métaphore) est anéantie par l'avidité corruptrice d'un maire, dont seule la soif de vodka saurait dépassé sa soif de pouvoir, c'est l'élan créateur même de la vie qui semble ne pouvoir se régénérer qu'au dépend de l'anéantissement des formes de vie particulières qu'il a engendré. La théorie de la "destruction créatrice" est bien connue des économistes en herbes ou des élèves passés par la case SES au lycée. La notion revêt ici un tour véritablement tragique en laissant apparaître les drames humains et écologiques se cachant derrière les mutations technologiques et le développement capitalistique jugés nécessaire et inévitable à l'évolution de notre monde contemporain.


"Que les choses suivent leurs cours: voilà la catastrophe" exprimait déjà le philosophe allemand Walter Benjamin au début du XXeme siècle.


C'est un drame intimiste poignant, une claque esthétique, et une réflexion profonde sur notre société de production, rien que ça, que nous offre Adreï Zviaguintsev avec Leviathan. Le monstre est là, non plus tapis dans les mers mais en chacun de nous, il n'est pas vain de vouloir le combattre !


Ps: J'avais jamais vu une réalisation aussi "classieuse" depuis Roman Polanski avec The Ghost Writter et Thomas Vinterberg avec La Chasse

Antoine_Delpeut
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le 22 mai 2017

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Antoine Delpeut

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