Ce destin se mélange au rhum...Polar à arranger !

LIVE BY NIGHT (12,8) (Ben Affleck, USA, 2017, 128min) :


Cet honnête hommage aux films américains de gangsters des années 30/40 nous conduit à Boston dans les années 20 pour suivre le destin de Joe Coughlin, fils de policier décidant de mener une vie de criminel, alors que l’alcool malgré la prohibition abonde dans les bars clandestins tenus par la Mafia. Ben Affleck acteur américain devenu un réalisateur respecté depuis le poignant Gone baby gone (2007), puis en récidivant brillamment avec le brillant The Town (2010) et l’excellent Argo (Oscar du Meilleur film 2013) sorti en 2012. Ici il reprend la double casquette réalisateur/acteur pour adapter librement, une nouvelle fois après Gone baby gone, le roman policier historique Live by night de Dennis Lehane paru en 2012. En guise d’introduction, le cinéaste reprend les codes du genre avec notamment une voix off narratrice abondante du héros, pour se présenter à nous, de retour de la première guerre mondiale (illustrée par des archives couleurs sépia) et nous informer qu’au retour de la guerre il a décidé de changer de vie, en se mettant hors la loi. Cette même voix explicative accompagne la mise en place de l’intrigue laborieusement, en présentant la guerre des gangs mafieux qui oppose les italiens et les irlandais de la ville. La mise en scène académique s’attache à reconstituer le plus impeccablement le Boston de cette époque, que cela soit au niveau des décors, des véhicules, des bandits en costumes portant un feutre sur la tête en essayant de ne faire aucune faute de goût et d’apporter une certaine modernité. Le résultat propre et soigné mérite de notre part une certaine élégance d’autant plus que la photographie de Robert Richardson donne un certain relief à l’histoire malgré quelques cliches cartes postales inévitables. Là où le bel ouvrage astiqué couine sensiblement et durablement c’est au niveau l’intrigue où la mécanique scénaristique ne manque pas d’huile mais sérieusement de moteurs à pistons. Malgré une entrée en matière assez réussie avec un premier braquage et une haletante course poursuite de voiture, le réalisateur a décidé de nous offrir un « crime drama » saupoudré abondamment de romances feuilletonesques et des certaines intrigues pêche au niveau du coffre et ralentissent significativement le rythme. C’est donc à lui de porter le chapeau ! Nanti de belles ambitions artistiques et d’un amour sincère pour les classiques du film noir américain, cette livraison de voyou amoureux faille par manque de sel. A cheval entre les scènes d’actions et les scènes romantiques à l’eau de rose, l’histoire chute régulièrement d’intensité et les obstacles rencontrés en route ne parviennent pas à transcender le spectateur faute d’incarnation et de profondeurs dans l’écriture des personnages. L’intrigue nous emmène de Boston jusqu’à Tampa en Floride où Joe Coughlin devient caïd dans le trafic de rhum et amène sur ce parcours des thématiques intéressantes (racisme, lutte des classes, lien entre Cuba et les USA, la religion) que malheureusement le réalisateur/scénariste survole uniquement. Et la seconde partie et la fin particulièrement mièvre s’éternise en longueurs sous le beau soleil de Floride sans apporter un ressort où un développement capital à la narration ou à une évolution nécessaire psychologique du personnage. Heureusement une scène de gunfight intense et assez brillamment chorégraphiée vient réveiller notre torpeur et sceller le destin du héros. Ce scénario inconsistant se reflète évidemment dans l’incarnation de ses acteurs, Ben Affleck en premier s’avère peu convaincant, avec ce jeu très intériorisé et mâchoire fermée sous différents chapeaux et le reste du casting se démène comme il peut pour donner du corps à leur en « je ». On peut saluer quand même l’implication du juste Brenda Gleeson en figure paternel bienveillante, Chris Messina, en bras droit de Joe Coughlin, le duo Chris Cooper et Elle Fanning (père et fille assez touchant) Ben Affleck échoue à la table de ces cinéastes de chevet. En cela, il nous convie à nous replonger avec délice notamment dans le Scarface (1932) de Howard Hawks, où les films de John Huston, Raoul Walsh, James Cagney ou savourer des œuvres plus récentes comme : Il était une fois en Amérique (1984) de Leone, Les incorruptibles (1987) de Brain de Palma, Miller’s crossing (1990) des frères Coen et plus récemment Des hommes sans loi (2012) de John Hillcoat. Du vrai cinéma là où le réalisateur Affleck parvient avec ce nouvel opus à fabriquer un film noir convenable sans accroc ni véritable ampleur. Venez clandestinement savourer le destin de ces héros qui Live by night. Superbe, loyal, respectable et inabouti.

seb2046
6
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le 17 janv. 2017

Critique lue 404 fois

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