la difficulté de dépasser l'anecdotique

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Il y a quelques jours, Ben Affleck a piqué une colère, à juste titre : harcelé par la presse sur la tenue de son projet The Batman, il a fait savoir qu'il était fatigué de ce manque de respect, se voir toujours ramené à ce projet mainstream alors qu'il sort justement un autre film. Ce film, c'est Live By Night, sa nouvelle adaptation après Gone Baby Gone d'un roman de Dennis Lehane. Aussi important soit le message qu'ait alors transmis Affleck, on peut se poser la question : au fond, son nouveau film vaut il vraiment qu'on parle de lui ?


Oui et non. Dans les faits, Live By Night est le film le plus anecdotique que la carrière de réalisateur de Ben Affleck. Aucun souffle ne se dégage vraiment du film, aucune vibration d'aucune sorte, ce dernier se laisse suivre sans déplaisir mais ne réussit jamais à captiver le spectateur. La faute en est en premier lieu au manque de véritable incarnation des figures qui le composent : au delà du personnage d'Affleck lui-meme, tous n'ont au fond qu'une seule raison d'être et paraissent un peu trop archétypaux pour que le film puisse accéder à un niveau de véritable fresque à la Scorsese. Le film est un peu léger, on le croirait dans le traitement de ses personnages secondaires et la résolution de son intrigue presque un peu conçu à la va-vite, alors qu'on sait que Ben Affleck y a accordé beaucoup d'importance. Rien ne ressort de Live By Night en terme vraiment émotionnel, le spectateur n'est dans son affect jamais vraiment concerné par ce qu'il se passe à l'écran.


C'est la gros défaut de la qualité du film : Ben Affleck a souhaité un maximum éviter l'identification à ses personnages, sans doute pour s'assurer une certaine neutralité du propos, essentielle pour qu'il ne tombe pas dans la caricature. On a pourtant parlé de stéréotypes : ils ne sont pas présents par choix délibéré, mais par manque d'intérêt du réalisateur (qui est aussi le scénariste) pour leur écriture. Le personnage principal est remarquablement écrit, à contrario, il a fait la guerre et a ressenti les ordres de son propre camp comme une trahison telle qu'il a décidé de devenir hors-la-loi tout de suite après être rentré au pays. L'idée est intéressante, un rejet du personnage de sa responsabilité quand aux morts qu'il a causé sur la guerre en elle-même, qui justifie son rejet du système. Le refus d'admettre que ces tueries guerrières étaient, aussi et surtout, de son fait.


Pourtant, bien vite, sa nature reprend ses droits. Live By Night évoque beaucoup American History X dans son propos, et c'est en ce sens qu'il se distingue de la case du film de gangster classique dans laquelle on voudrait le ranger. Au fond, l'histoire de ce petit soldat devenu gangster par rejet de sa personne et qui connaît une formidable ascension n'a aucun intérêt. L'intérêt, c'est la manière qu'à le personnage de se comporter avec le monde et celle dont il revient en permanence à la violence qu'il prétend fuir. Au fond, tout finit dans un bain de sang et le fait qu'il se retire ensuite du monde des affaires sales n'a pas vraiment d'importance morale.


C'est en cela que le film est intéressant : il ne juge jamais son personnage, ne prétend pas lui assurer une rédemption, si le film finit « bien » ou presque, ce n'est que par fortuité, par hasard, le massage eut été le même dans le cas contraire : qui est violent le reste. Ben Affleck est en ce sens formidable, autant en réalisateur qui sublime son récit par des images somptueuses et iconiques que Fincher ou Snyder ne renieraient pas, qu'en acteur qui semble une fois de plus habité par son personnage de la meilleure des manières.


Sous un film banal, maladroit dans ma manière d'exposer son récit (les seconds rôles sont indignes des acteurs qui les interprètent, notamment dans le cas d'Elle Fanning caricaturée en illuminée en pleine rédemption, et le fin à moitié gâchée par le désir absolu de boucler toutes les intrigues de la vie de son personnage), Ben Affleck parvient à glisser sous Live By Night un propos essentiel. La réponse à la question posée au début de l'article est là : le film n'est pas forcément « à voir », mais on peut y aller, voir y apprendre quelque chose sur soi-même.


AMD

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7
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le 18 janv. 2017

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