Joris Ivens, William Klein, Claude Lelouch, Agnès Varda, Jean-Luc Godard, Chris Marker, et Alain Resnais – soit quelques-uns des noms les plus connus de la Nouvelle Vague – réunis dans un même projet, voilà qui attire l’attention. La responsable de cette collaboration : ni plus ni moins que la Guerre du Vietnam, au plus fort du conflit.

Pas la peine d’être un génie pour comprendre qu’il s’agit d’un témoignage à charge contre cette guerre, avec des réalisateurs en faveur de la révolution communisme, contre l’impérialisme américain, ou qui pensent tout simplement que c’est la bonne chose à faire, le conflit opposant une nation riche à une nation pauvre sur le territoire de cette-dernière. Le tout est chapeauté par Chris Marker, à qui nous devons aussi Le Fond de l’Air est Rouge, ce qui déjà en dit long sur l’engagement du bonhomme.
Au moins, impossible de reprocher au film de ne rien avoir à dire, et de n’avoir aucune position à défendre. Ce qui dores et déjà le distingue de bien 90% des productions actuelles.

Loin du Vietnam est une œuvre bâtarde en terme de construction, plus proche du film à sketchs qu’autre chose ; chaque réalisateur emploie un ton et une problématique qui lui sont propres, et avec un sujet aussi vaste, inutile d’y chercher la moindre cohérence sinon un message commun. Jean-Luc Godard fait dans l’expérimental, se filmant en train de filmer, et exprime ouvertement sa position en nous indiquant ne pas avoir reçu l’accord du gouvernement Vietcong pour tourner sur place (ce qui l’oblige à se mettre en scène sur les toits de Paris et nourrit sa réflexion). Alain Resnais fait plus dans la fiction que dans le documentaire, et nous propose le monologue d’un personnage, ancien résistant, pour qui les Américains représentaient jusque-là la liberté.

Or l’intérêt de ce long-métrage se situe plus dans son aspect documentaire, dans tout ce qu’il nous montre à la fois du conflit sur place, et des manifestations « pro » ou « anti » qui secouent alors la France et les USA. Il revient aussi sur les événements qui ont mené à cette guerre – ce dont nous pouvons lui être gré – et nous propose une chanson contestataire américaine, une rencontre avec Fidel Castro, ou encore l’histoire d’un homme qui s’est immolé devant le Pentagone.

Le plus important concernant Loin du Vietnam, c’est qu’il s’agit d’un témoignage d’époque, datant de la guerre elle-même, et réalisé alors que ses auteurs ignoraient qui allaient finalement l’emporter, même s’ils avaient une préférence. C’est un travail fondamentalement différent de tous les films et les documentaires qui ont suivi depuis – Apocalypse Now, Platoon, ou même First Blood – qui intégraient dès le départ la défaite dans leur équation, et qui présentaient cette guerre comme une erreur. Là, non seulement les politiques, mais une part importante de la population américaine semblent favorables à une action militaire au Vietnam, taxant les contestataires de communisme et d’anti-patriotisme.

Comme tout film à sketchs, Loin du Vietnam manque d’homogénéité et certains segments pénalisent l’ensemble plus qu’ils ne le servent. Mais pour son témoignage d’époque et parce que ses réalisateurs ont un propos à défendre, il mérite d’être découvert.

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le 11 janv. 2014

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Ninesisters

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