« Il y a un homme sur douze qui est armé sur cette planète. La seule question, c'est... comment armer les onze autres ? ». C'est sur ces mots que commence le film "Lord of War". Dès l'ouverture, au cours de laquelle est retracée la « vie » d'une balle, de sa fabrication à sa fin, le ton est donné.
Ce long-métrage porte effectivement sur le trafic d'armes et plus spécifiquement sur le parcours du marchand Yuri Orlov, personnage amoral et sans scrupule brillamment interprété par Nicolas Cage à l'époque où il jouait encore dans de bons films.

Yuri va d'abord connaître une ascension fulgurante par le biais de ce trafic, notamment suite à l'effondrement de l'URSS, ce qui lui permet d'accéder à des stocks très importants. Mais ses tractations avec le dictateur André Baptiste l'amènent progressivement sur une voie sans retour.

Le film a été écrit et réalisé par Andrew Niccol, scénariste du fameux "The Truman Show", préfigurant l'avènement de la télé-réalité. En tant que metteur en scène, il est également à l'origine de l’œuvre d'anticipation "Bienvenue à Gattaca".
Dans le cadre du long-métrage "Lord of War", il s'intéresse au trafic d'armes et à ses effets par l'entremise d'un individu vénal et égoïste qu'on aime détester tant chacune de ses répliques teintées d'humour noir suinte le cynisme.

Les conséquences de ses actes ne sont pas pour autant minimisées, puisque la caméra n'hésite pas à nous asséner à la figure ce qui en découle, tels les tristes massacres perpétrés par André Baptiste, dictateur fictif néanmoins fortement inspiré du véritable président du Libéria Charles Taylor, impliqué entre autres dans la guerre civile sierra-léonaise et inculpé à ce titre de plusieurs chefs d'accusation pour crimes contre l'humanité. Yuri Orlov est quant à lui basé sur plusieurs célèbres trafiquants d'armes, dont le criminel et « seigneur de guerre » Viktor Bout.
Malgré l'américanisation du sujet, à l'instar d'autres films étasuniens traitant de thèmes similaires et sortis à la même période, tel "Blood Diamond", et quelques entorses qui peuvent laisser dubitatif, comme sous-entendre que le Libéria serait francophone ou déplacer les services d'Interpol de la France aux États-Unis, le film évite de nombreux écueils.

L'héroïsation n'a guère sa place ici. Pour notre protagoniste, il n'y a nulle rédemption possible. Les mutilations et l'enrôlement des enfants soldats sont crûment dénoncés sans pour autant sombrer dans le pathos. Le classicisme général du long-métrage s'accompagne de surcroît de vraies fulgurances de réalisation.
L'ascension d'un personnage dépourvu du moindre état d'âme dans un milieu violent repose sur des procédés de narration assez similaires à ceux des films qui mettent en scène les trajectoires des mafieux ou bien les turpitudes du monde de la haute finance, à l'instar de "Wall Street" d'Oliver Stone, à ceci près que la « chute » tant attendue réserve quelques surprises...

À défaut d'être subtil, le discours d'Andrew Niccol est particulièrement percutant et va droit au but. Dans ce monde, comme dans le nôtre, peu importe la valeur d'une vie humaine : « Une balle tirée par un enfant de 14 ans est aussi efficace que celle tirée par un homme de 40 ans... parfois plus même. ». Seul le profit compte.
C'est donc sur une note particulièrement cynique que s'achève cette œuvre sans concession, film qui n'hésite pas à prendre pour « héros » un salaud s'enrichissant sur une industrie mortuaire et à pointer du doigt la responsabilité et l'hypocrisie des cinq pays membres du Conseil de Sécurité de l'organisation chargée d'assurer la paix dans le monde.

Wheatley
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le 27 juin 2023

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