A travers Lost Highway, David Lynch (Twin Peaks, Dune) met en scène, non seulement des acteurs, mais une villa contemporaine à l'architecture énigmatique et aux espaces atypiques. Fenêtres en meurtrière, fenêtre d'angle singulière, dessin épuré à la limite du Blockhaus, cette maison est vivante et terrifiante, animée par un esprit retord et machiavélique. Bill Pullman, passionné de Jazz, va l'apprendre à ses dépends, il reçoit des cassettes vidéos de l'extérieur puis de l’intérieur de son domicile, comme si quelqu'un le surveillait en secret. Lors d'une soirée, il croise un individu au teint blafard lui donnant un téléphone, puis entends une voix étrange qui l'appelle de chez lui. La psychose s'installe alors, lorsque de retour, il découvre avec horreur, sur une cassette, le corps démembré de sa femme. Les cassettes que reçoit Bill se confondent avec sa triste réalité, alors que pour nous tout est fiction.


Deux Patricia pour le prix d'une.


La seconde partie change radicalement de ton, avec ce jeune mécano embarqué par un gang de mafiosi. Et là réside tout le génie de Lynch, qui nous mène de piste en fausse-piste en semant des indices troublants. Nous perdant de plus en plus dans les méandres de cette Lost Highway décidément fascinante. Dans ce puzzle habile, nous sommes invités à chercher les liens avec les personnages et événements précédents. Qui est cette Patricia Arquette en blonde platine sculpturale et faiblement vêtue ? Qu'est-il arrivé à la Patricia Arquette rousse qui a finit en barquette à la morgue ? Que vient faire Marylin Manson sur cette vidéo érotique ? L'étrange caméraman est-il la projection de notre inconscient pervers, Lynch est-il à ce point fasciné par le corps dénudé de Patricia, au point de l'éclairer sous tous les angles et même les phares d'une Ford Mustang décapotable ? C'est lorsqu'on pense se raccrocher à un semblant de logique que le réalisateur nous prends à revers. Par moments, on se sent aussi interloqué que ce malheureux protagoniste, ayant malencontreusement pris un angle tranchant de table basse au milieu du visage...


Dick Laurent is Dead.


De victime, Bill Pullman passe à suspect n°1, cette voix qu'il entendait au début était la sienne, Lynch referme ainsi la boucle de cette Lost Highway énigmatique et meurtrière. Notre héros est-il enfermé à jamais sur la pellicule d'une bobine ? Comme souvent chez Lynch, les interprétations sont multiples. Nous renvoyant à Fire walk with me, il se sert des codes du polar traditionnel pour mieux les démonter et nous surprendre. Construction parfaite d'un scénario complexe parsemé d'indices ou délire de cinéaste semant la confusion, l'intrigue nous tient en haleine de bout en bout sous une caméra magistrale, où l'on aime se perdre dans l'incompréhension ou la satisfaction d'y trouver un sens.


La BO de David Bowie 'I'm Deranged' valorise cette œuvre très personnelle qui restera à jamais gravée sur les sillons jaunes de cette route interminable.

RedDragon
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleurs films de David Lynch

Créée

le 17 mai 2020

Critique lue 189 fois

8 j'aime

1 commentaire

RedDragon

Écrit par

Critique lue 189 fois

8
1

D'autres avis sur Lost Highway

Lost Highway
Sergent_Pepper
10

« You invited me. It’s not my custom to go where I’m not invited ».

Avant de tenter d’attraper au vol le manège spiralaire de Lost Highway et de trouver un siège libre sur l’une de ses Cadillac rutilantes, restons sur les bancs qui l’entourent, réservés aux parents...

le 27 déc. 2013

306 j'aime

29

Lost Highway
Velvetman
10

La route enchantée

Sous le nom de Lost Highway, se cache une violente virée dans l'inconscient d'un homme brisé par sa souffrance ; elle-même, induite de sa propre culpabilité. Qu'il y a-t-il de plus humain que de...

le 30 janv. 2015

124 j'aime

10

Lost Highway
Gothic
8

Highway to Elle

J'étais parti pour mettre 7. N'ayant pu écrire et noter juste après avoir vu le film (maintes fois conseillé ici et ailleurs, merci au passage), le constat à froid est sans appel: je dois me résoudre...

le 15 févr. 2015

88 j'aime

32

Du même critique

The Mandalorian
RedDragon
7

Le Bon, la Brute et le Mandalorien...

J'ai toujours rêvé de connaître les aventures du mystérieux Boba Fett. Souvenez-vous de son apparition dans Star Wars Holiday special sous forme de dessin animé, juste avant l'Empire contre-attaque...

le 15 nov. 2019

61 j'aime

45

Joker
RedDragon
10

La Mostra de Gotham...

Venise, New-York, Gotham, trois villes entourées d'eau et baignées d'histoires et de mystères, elles sont des incubateurs à talents. Génie du spectacle, génie du mal ou bien les deux, un terrain...

le 13 oct. 2019

33 j'aime

12

Hellboy
RedDragon
7

HellBoy version épicée...

On ne peut pas reprocher à Mike Mignola et aux studios Dark Horse Comics respectivement créateur et éditeur du comic book, d'avoir trahi leur franchise. Non, au contraire ils en sont coproducteurs et...

le 8 mai 2019

32 j'aime

9