Le générique commence à défiler. Je cligne des yeux, l'air abasourdi. Je n'ai rien compris (évidemment) mais je suis encore sous le choc de la frénésie de la scène de fin, et du retour au calme imposé par le dernier plan. C'est alors que j'ai cette impression nouvelle, l'impression d'avoir déjà oublié une bonne partie du film, tant celui-ci est riche et complexe...


Lost Highway ne laisse pas indifférent. Dès le début, David Lynch instaure une atmosphère glauque et pesante. La maison du personnage principal ne donne aucun sentiment de familiarité ou de confort. C'est même tout l'inverse, les formes géométriques des meubles et le vide qu'ils créent par leur disposition semblent rejeter Fred et sa femme Renée, comme si le lieu n'avait rien de sûr. Une façon d'amener le premier problème du film : quelqu'un s'est introduit chez eux dans la nuit. D'une certaine manière, les premières minutes font écho à l'ambiance malsaine de la Black Lodge de Twin Peaks.


Une référence qui ne sera pas anodine puisque le film s'enfoncera de plus en plus dans un ton irréel suffocant (la scène du téléphone portable...) grâce à la mise en scène unique de Lynch. Il met à contribution quasiment toutes les possibilités offertes par le cinéma pour construire une narration déroutante et floue, qui n'est pourtant jamais décousue. Au contraire, le réalisateur lie solidement les scènes entre elles en utilisant plusieurs raccords mouvements ainsi des allusions visuelles et textuelles à ce qui a été vu auparavant (par exemple la façon dont Fred se penche sur le lit). Par ailleurs, certains mouvements de caméra sont profondément associés avec les mouvements spatio-temporels du scénario. Cela évoque le fait que c'est l'appareil qui écrit l'histoire et qui mène le jeu, une idée que je trouve trop intéressante pour qu'elle n'ait pas traversé l'esprit du réalisateur.


Finalement, Lost Highway est un film très caractéristique de son auteur : à la fois tortueux, sensuel et fascinant, il n'emprunte jamais les chemins balisés et fait du hors-piste avec beaucoup de maîtrise. Cela présage beaucoup de bonnes choses pour la suite de la trilogie hollywoodienne.

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le 13 juin 2016

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