Lost in translation est critiquable au niveau du rythme évidemment puisqu'il n'y aucune intrigue à proprement parler, des scènes que l'on pourrait qualifier de contemplatives, et enfin d'autres qui montrent un peu trop bien l'ennui des personnages. Pourtant, je ne me suis pas vraiment ennuyé, enveloppé par son atmosphère (dûe à une bande-son de qualité [du shoegaze au cinéma c'est rare] ainsi qu'à une réalisation qui offre de beaux plans de Tokyo et de belles scènes nocturnes). Mais aussi grâce à deux acteurs qui donnent envie de s'intéresser à leur personnages : Scarlett Johansson est toujours aussi jolie et s'en sort plutôt bien en jeune étudiante désorientée, quant à Bill Murray il dégage une aura sympathique derrière sa moue tombante qui colle parfaitement à son personnage. Duo étonnant et pourtant crédible à l'écran, qui se débrouille très bien dans le domaine du non-dit, à travers un regard ou un sourire.

Le film se veut réaliste et expose l'errance de deux âmes, perdues dans l'immensité de la mégapole de Tokyo, et surtout victimes du décalage culturel (d'où le titre...). Perdues et isolées également car sans point d'ancrage au niveau relationnel, elle étant délaissée par son mari, lui fuyant sa femme et ses problèmes de moquette. En réalité, S. Coppola insistera peut-être un peu trop sur ces deux points, en plus d'utiliser des stéréotypes. On découvre ainsi dans un premier temps leur situation, leurs doutes, leur déconnexion culturelle, leur quotidien morose et ennuyeux.
Mais ces deux personnes blasées séjournent dans le même hôtel, et de leur rencontre naîtra nécessairement une relation complice. C'est tout l'enjeu de ce film, qui traite avec subtilité cette relation humaine et lui confère une relative authenticité, ce qui sera la clef de son succès : les films capables de toucher le spectateur ne sont plus si fréquents. D'autant plus que l'identification est facile ; qui n'a jamais cherché une autre personne blasée pour s'ennuyer à deux, discuter de tout et de rien. On est cependant loin du film à l'eau de rose classique, de l'amour passionnel et éphémère. Il s'agit d'un rapport plus mature, plus plat certes mais sûrement plus réaliste. La différence d'âge entre les deux protagonistes ne permet au mieux qu'un amour refoulé, s'il a existé. Car c'est tout simplement l'histoire touchante entre deux personnes qui avaient besoin de l'autre pour s'extirper temporairement de la mélancolie, quitte à l'empirer après l'inévitable séparation tant les liens créés ont été irremplaçables.

A une époque où le thème aurait pu être traité de manière beaucoup plus directe, Lost in Translation n'a aucun mal à se distinguer. Il peut surprendre, charmer et marquer le spectateur, et c'est pour cela qu'il faut le voir, au risque de s'ennuyer pendant 90 minutes.
Zephir
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le 28 déc. 2011

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Zephir

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