La solitude est un sentiment diffus d'étrangeté qui s'imprègne en nous et qui imprègne le décor. Elle se nourrit aussi de l'étrangeté-même du décor et des corps qui le composent.
Lorsqu'on se trouve seul par manque de familiarité, on cherche le familier. En fait, on procède à l'envers. Parce que lorsqu'on est seul, il n'y a plus grand chose de familier. Ou bien le familier se teinte d'amertume et de regret pour ce que l'on a perdu, pour une époque révolue. Peut-être qu'il faut chercher à combler la solitude pour produire ou reproduire du familier.
Je pense que c'est ce que le film montre. Le Japon fonctionne très bien pour ça. Le côté moderne, étourdissant, la taille de la ville, inversement proportionnelle aux liens qui unit ses habitants, l'importante barrière du langage. Cette étrangeté de la ville qu'on ressent de manière viscérale dans la scène où Scarlett Johansson, mélancolique, regarde par la fenêtre de sa chambre d'hôtel. Cette scène d'incompréhension mutuelle entre un Bill Murray blasé et des réalisateurs de pubs, qui ouvre le film, et qui peut nous faire rire ou soupirer. Et puis la magie de la tradition, les temples, la cuisine, le respect.
On croit que cette beauté nous serait accessible si on y prêtait attention, mais elle ne se révèle en tant qu'émotion que lorsque l'âme est au repos, que la soif de connexion est assouvie. De la même façon, la ville, les autres, se perdre, ne pas se comprendre tout de suite, tout ça devient amusant à deux. Tous ces extrêmes pour dire : ça marche pour tout.
Quand on est seul, c'est sans doute ceux qui sont seuls qui nous sont le plus familiers. Il faut commencer là, même si ça heurte l'intuition.

AfroGod
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le 17 août 2020

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