Lucy
4.7
Lucy

Film de Luc Besson (2014)

Le sens de la vie, c'est le but de l'existence

* SPOILERS *

Vers la moitié du film, Lucy entre en contact avec le professeur Norman, un spécialiste de l'esprit humain incarné par le grand Morgan Freeman. A la suite de l'absorption d'une nouvelle drogue, celle ci va tout au long du film devenir capable d'utiliser une part de plus en plus importante de son cerveau, lui permettant d'acquérir une compréhension nouvelle d'elle même et du monde qui l'entoure, à tel point qu'elle en viendra à pouvoir contrôler celui ci. Durant cette scène, elle en est à environ 40% d'utilisation, au lieu des 10% normaux (cette notion est une légende urbaine, mais là n'est pas la question : il s'agit d'un film).


La question qu'elle pose donc à ce vieil homme savant et avisé (quel rôle inédit pour Freeman !) est "que faire de ces nouveaux pouvoirs ?". En effet, avec de grands pouvoirs viennent de grandes responsabilité et c'est ainsi qu'elle en vient à ce nouveau questionnement : quel devrait être mon but ? Et c'est là que Lucy nous révèle une chose extrêmement importante. C'est là le point de départ de toute la théorie que nous allons développer.


Les gens n'ont pas vraiment d'idée claire de ce qu'est le sens de la vie, et c'est de là que viennent tous nos problèmes : les guerres, la cupidité, l'intolérance... Tous ces fléaux sont la conséquence d'une humanité errante, ne trouvant pas sa raison d'être dans l'univers, le fameux "pourquoi ?", et elle en est donc réduite à simplement suivre ses instincts les plus primaires, car ceux ci au moins sont tangibles. En d'autres termes, c'est la solution de la facilité. La solution que nous donne Lucy est en fait toute simple :

Le sens de la vie, c'est le but de l'existence.


Mais oui c'est clair ! Le questionnement de Lucy sur son "but" est une métaphore censée nous faire réaliser que c'est justement en cherchant ce but que nous passons effectivement à un stade d'évolution supérieure, celui dans lequel se trouve Lucy durant cette scène. Cette quête devrait être la préoccupation première de tout être conscient. On ne demande pas à un objet inanimé quel est son but, il n'en a point, il ne fait qu'être esclave des lois de la physique. Un être observateur de l'univers, en revanche, doit se servir de sa subjectivité pour trouver sa raison d'être, quelle trace il décide de laisser derrière lui, son opinion en quelque sorte de ce que le monde devrait être. Si chacun pouvait réaliser cela, beaucoup de conflits disparaitraient car nous nous concentrerions alors, à l'unisson, en tant qu'espèce et non en tant qu'individu, sur la quête de ce but ultime. Certes, on pourrait dire que cela ne nous avance pas à grand chose. C'est vrai et faux à la fois. Savoir simplement qu'il y a un but ne nous en dit pas plus sur ce qu'est ce but. Mais il s'agit d'une essentielle première étape.


La deuxième étape pour arriver à une nouvelle évolution consiste alors à déterminer le but. Puis la troisième et dernière sera de l'appliquer. L'analyse du film est ici primordiale : Il est à première vue étrange de voir que Lucy, malgré ses nouvelles capacités, a quand même besoin de l'avis d'un être humain normal pour trouver sa raison d'être. Deuxième chose, on se rend compte qu'au fur et à mesure que Lucy évolue, elle perd peu à peu de ce qui fait son humanité. Le savoir encyclopédique qu'elle accumule et sa capacité à se "connecter" au monde externe fait que sa personnalité propre disparait, ses émotions s'estompent, elle n'est plus vraiment elle mais un peu tout à la fois. Et c'est la que vient l'hallucinante idée que c'est peut être justement à cause de son manque d'humanité qu'elle a désormais du mal à distinguer son but. Notre raison d'être ultime, elle se trouve donc au fond de nous même, dans ce qui fait de nous des êtres humains. Nous savons de manière inconsciente ce vers quoi nous devons tendre.


Analysons alors les caractéristiques essentielles de l'être humain, quelles sont les choses que nous désirons le plus ardemment ? Il y a d'abord l'envie de pouvoir, d'avoir le contrôle sur les chose, sur notre destin. Il y a la curiosité innée en nous, l'envie de savoir (d'où notre peur de l'inconnu), la soif de connaissance c'est à dire imposer la force vers l'ovanium, c'est à dire l'estime du savoir (les gens qui connaissent beaucoup de choses ! mais oui c'est clair !). Mais il y a également l'amour, chacun a envie d'aimer et d'être aimé. Et pour finir, la volonter de subsister dans ce monde, le fameux instinct de survie.


Quels adjectifs qualifieraient alors un être qui aurait parfaitement atteint ces quatre choses que l'homme recherche ardemment ? Simplement : omnipotent, omniscient, bienfaisant et immortel...


Voilà le but ultime de l'humanité ! Depuis toujours, depuis les toutes premières civilisations, les hommes ont ressenti intérieurement cette notion. Mais ils l'ont toujours mal interprétée. Ils ont externalisé ce qu'ils ressentaient pour en créer un Dieu, un être leur ressemblant mais parfait, qui aurait énoncé des règles arbitraires censées nous faire mieux vire mais nous limitant en réalité ! La bonne interprétation de ce ressenti est que c'est à l'Homme lui même de tendre vers cette idée théorique de Dieu, c'est à nous d'évoluer, de progresser pour réussir à combattre les injustices de la nature au lieu de les accepter comme un simple fait d'un Dieu cruel, c'est à nous de décider de ce qui est bon ou mauvais. L'Homme n'a pas été créé à l'image de Dieu, au contraire celui ci n'existe pas encore et c'est à l'Homme de le devenir ! Une civilisation immortelle qui se servirait de son omnipotence avec bienfaisance et avec l'exactitude et la justesse conférées par son omniscience.


Et effectivement, à la fin de l'histoire Lucy passe la troisième étape, elle parvient au "but" final, elle devient Dieu. L'analyse de "Lucy' rejoint donc le message de ce grand film qu'est "Interstellar" ("Eux", c'est "Nous"). Il est intéressant de noter que trois des quatre caractéristiques essentielles de l'être humain évoquées plus haut sont des thèmes majeurs d''Interstellar" : La survie de l'humanité, elle même due à l'amour d'un père pour sa fille combiné au pouvoir de la science, l'envie d'aller toujours plus loin. Christopher Nolan, en réalisant un film qui mélange avec virtuosité l'intimiste et le grandiose, l'émotionnel et l'intellectuel, fait rare dans le cinéma de science fiction, nous montre que ces deux facettes de l'être humain sont incontournables pour notre évolution, oublier l'une, c'est laisser une part de notre humanité derrière nous. Besson serait il secrètement fan de Nolan ? Ou alors, peut être qu'il n'a pas du tout pensé à tout cela quand il a réalisé "Lucy". LOL. Peu importe. Il est juste réjouissant de voir de nos jours un cinéma démystifiant Dieu, envoyant le message que l'Homme a lui même les clés de son destin, qu'il a la capacité de tendre vers un monde meilleur...



Rédigé par Eddy Malou, premier savant de toute la République Démocratique du Congo
Thomas_Balanant
7
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le 6 déc. 2014

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